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Philéas Walder, même dans le mormonisme, a été moins zélé qu’il l’a pu paraître. Il était sataniste, bel et bien.

La preuve éclatante se trouve dans son rapport, daté de Singapore, le 18 octobre 1892, et adressé à Lemmi. En ce temps, déjà le chef d’action politique rêvait la direction suprême, et lui, l’admirateur enthousiaste de Carducci, il voulait faire admettre, dans la Haute-Maçonnerie que le prétendu Grand Architecte fût appelé indirectement Lucifer ou Satan, contrairement aux décrets d’Albert Pike, alors décédé. Lemmi, qui savait Walder sataniste, lui avait donc demandé, pour le flatter et s’acquérir à jamais le bénéfice de son influence dans les Triangles, un « rapport interprétatif » au cours duquel il exposerait son opinion sur l’éducation de la « jeune fille future ».

« La jeune fille future, répondit le vieux Walder, devra être élevée comme l’a été Sophia ; j’ai un juste orgueil d’avoir contribué, avec l’aide de Notre Seigneur son Divin Père, à la faire ce qu’elle est. »

Philéas Walder avait été prévenu que ce rapport serait reçu en qualité de document destiné à demeurer aux archives du Souverain Directoire Exécutif ; en conséquence, selon la règle des documents de doctrine palladique, il l’écrivit en latin.

Je vais en traduire de larges extraits.

« Je me place, dans ma pensée, à une époque que nous avons à préparer, mais dans laquelle malheureusement nous ne pouvons espérer vivre. Plus de quarante ans me paraissent indispensables pour que l’évolution générale des esprits en arrive là.

« Je ne m’occuperai point de la jeune fille dépourvue d’intelligence, qui sera alors encore la vachère des champs ou l’ouvrière de basse condition.

« Celle que j’appelle la jeune fille future, selon votre heureuse expression, très illustre souverain grand-maître, c’est la femme d’élite que la sainte Maçonnerie aura pour auxiliaire zélée dans son extension, dans son débordement sur le monde, dans sa sublime mission qui est la conquête des âmes à Notre Dieu Satan.

« Il faudra, avant tout, que ce nom de Satan ne lui soit point un sujet d’épouvante, et cela dès que commencera la période de l’instruction proprement dite. À cet égard, permettez que je vous répète combien mon admiration vous a été toujours fidèle. J’ai toujours envisagé comme une faiblesse les subtiles distinctions que le défunt Souverain Pontife s’efforçait de faire prévaloir. Distinguer entre Lucifer et Satan, s’attacher exclusivement au nom de Lucifer, avoir peur de prononcer l’autre nom, sous prétexte que c’est celui donné par