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— N’ayez aucune crainte, me dit-il, vous ne courez aucun danger miss Diana.

Je suis de plus en plus surprise. Je me hasarde à lui parler, puisqu’il me parle.

— Vous savez mon nom ?

— Vous le voyez, miss, et votre nom m’est le plus cher parmi ceux des humains.

— Mais qui êtes-vous ?… Je vous touche, je vous sens ; vous avez toutes les apparences d’un homme… Êtes-vous un de ces Mages, dont mon père parle parfois ?

— Non, miss, je ne suis pas un Mage… Mais ne vous préoccupez. pas de ma nature ; qui que je sois, je suis votre protecteur.

En disant ces mots, il incline sa tête, et ses lèvres baisent respectueusement ma main qu’il tient toujours.

Ensuite, il pose son index sur mon front, et voici que mes paupières se ferment d’elles-mêmes. Je veux parler encore, je ne le puis. Cependant, je ne suis pas endormie ; mais mes yeux sont bien clos, ma bouche est bien fermée. Tout à l’heure, j’entendais les bruits qui venaient de la Terre, bruits faibles, dont plusieurs perçus distinctement ; ainsi, les aboiements des chiens des fermes. À présent, je n’entends plus rien.

Deux sens seuls continuent à fonctionner : le toucher et l’odorat. Un parfum des plus agréables m’enchante, m’enivre ? on dirait que je respire des roses tout fraîchement écloses, embaumant d’arômes exquis. Je ne me sens plus tenue par la main ; il me porte dans ses bras ; il me berce, comme une mère son enfant.

Cela dure longtemps, longtemps.

Enfin, je me réveille de ce sommeil qui n’était point un sommeil. Pour dire plus exact, je rouvre les yeux, ma langue se délie, mes oreilles perçoivent les sons. Je me retrouve sur mon lit, dans ma chambre. Le jeune homme est là encore, qui me regarde et me sourit ; et mon père est agenouille aux pieds de l’inconnu, mon sauveur.

Je me tâte, je m’examine ; je n’ai aucune trace des coups reçus des négroes.

— Il t’a sauvée, il t’a guérie, il t’a rapportée ici, dit mon père. Reconnaissance au Dieu-Bon qui t’a envoyé à ton secours ! Gloire à Lucifer Très-Haut et plus haut !

J’écoute, je regarde encore, émerveillée. Mon sauveur m’adresse un dernier sourire tout affectueux, et disparaît, sans que je puisse comprendre par où ni comment il a disparu.