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Dieu-Bon ; cet ouvrage a eu une grande part dans mon éducation luciférienne.

C’est dans l’Introïtus Apertus que Thomas Vaughan s’écrie :

« Plût à Dieu que l’or et l’argent, ces idoles du genre humain, fussent aussi communs que le fumier ! Nous ne serions pas obligés de nous cacher, le monde nous regardant comme si nous étions chargés de la malédiction de Caïn (sic). Pour ma part, il semble que je sois contraint à mener une existence vagabonde, comme fuyant sans cesse la présence du Seigneur ; dans une incertitude continuelle et par une légitime crainte, je me vois obligé de me priver de la société de mes anciens amis. Et, comme si j’étais poursuivi par les Furies, je ne me crois en sûreté dans aucun lieu ; et, semblable à Caïn, il me faut élever souvent ma voix vers le ciel et demander protection à mon Dieu, en disant avec douleur : « Ceux qui me découvriront me feront mourir ! »

« Errant de royaume en royaume, sans aucune demeure fixe, à peine osé-je prendre souci de ma famille, si loin de moi, et quoique je possède tout, je suis obligé de me contenter de peu. Quel est donc mon bonheur ? Je n’en aurais aucun, si je ne m’étais voué au triomphe d’une idée ; idée qui, à la vérité, donne une grande satisfaction à mon esprit.

« Ceux qui n’ont pas la parfaite connaissance de notre Art se flattent qu’ils accompliraient beaucoup de choses, s’ils le savaient. J’ai pensé de même, autrefois ; mais les dangers que j’ai courus m’ont rendu plus circonspect. Voilà pourquoi, afin de mener à bien ma mission, j’ai adopté les voies les plus secrètes. Quiconque a couru le péril de la mort et y a échappé devient plus prudent pour le reste de sa vie. »

Parlant des guérisons qu’il opéra, il dit :

« J’ai remarqué tant de corruption dans le monde, que, parmi ceux mêmes qui passent pour honnêtes gens, à peine s’en trouve-t-il quelqu’un qui ne se propose un gain sordide ou quelque vil intérêt. On ne saurait faire seul ce que l’on souhaite, pas même dans les œuvres de miséricorde, sans mettre sa vie en danger. Je l’ai éprouvé depuis peu, dans les pays étrangers où, m’étant hasardé à donner une médecine à des moribonds abandonnés des médecins ou à d’autres malades réduits à de fâcheuses extrémités, par une espèce de miracle ils ont recouvré la santé. À l’instant, ces guérisons ont fait du bruit, et l’on a publié qu’elles avaient été faites par l’élixir des Sages ; de manière que plusieurs fois je me suis trouvé dans l’embarras, obligé de me déguiser, de me faire raser la tête pour prendre une perruque, de changer de nom et de m’évader nuitamment ; sans quoi, je serais tombé entre les mains des méchants ou des gens malintentionnés que la passion de l’or portait à me surprendre sur