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gines, il a constaté le chaos ; mais il parlait exclusivement des hauts-grades, et c’est pourquoi il n’a pas fait la lumière sur l’origine socinienne.

Pour avoir la vérité, c’est donc l’origine des trois premiers degrés d’initiation qu’il faut rechercher, tout système maçonnique n’étant que le développement ou une nouvelle, interprétation ésotérique des grades d’Apprenti, Compagnon et Maître. La vérité : il la possédait, Albert Pike ; il savait que les trois grades symboliques, unique base de toute maçonnerie, sont l’œuvre de deux Frères de la Rose-Croix socinienne, le troisième grade (Maître) étant composé sur les données de Robert Fludd, dont Thomas Vaughan fut le disciple ; je l’ai démontré cent fois en conférence triangulaire, et je le prouverai ici. Le grade d’Apprenti a été composé par la collaboration de Thomas Vaughan et d’Élias Ashmole ; celui de Compagnon, par Élias Ashmole seul ; celui de Maître, par la collaboration de Thomas Vaughan et d’Élias Ashmole. — Pourquoi Albert Pike ne l’a-t-il pas dit ? — Pour plusieurs raisons : grand-maître du Rite Écossais Ancien et Accepté, il ne lui déplaisait pas de laisser croire à l’origine templière ; souverain pontife de la Maçonnerie universelle, ayant son suprême siège à Charleston, il ne tenait pas à fournir l’argument de l’origine socinienne aux maçons européens, qui toujours ont eu des tendances à ramener le siège pontifical de la secte en Europe, et de préférence en Italie, patrie des Socin.

Parmi les fabricateurs de documents, qui ont tant contribué à obscurcir cette question d’histoire, les seuls quelque peu habiles sont les membres de cette Loge hollandaise qui prétendirent, un beau jour, posséder dans leurs archives une Charte censément trouvée, en 1637, dans une Loge de La Haye (Het Frederiks Vredendall) et datée de Cologne, 24 juin 1535. Le F ▽ Findel a fait bonne justice de cette paperasse sans valeur, dans son Histoire de la Franc-Maçonnerie, tome II ; elle abusa beaucoup de Frères ; il a démontré qu’elle fut fabriquée vers la fin du dix-huitième siècle. Cette Charte de Cologne donne à la vraie Maçonnerie, celle qui nous occupe, non celle des ouvriers de bâtiment, une existence d’association philosophique au seizième siècle, remontant aux premiers chrétiens, avec cinq grades : 1er , Apprenti ; 2e , Compagnon ; 3e, Maître ; 4e, Maître Élu ; 5e, Suprême Maître Élu. Or, je prouverai que les grades de la Maçonnerie spéculative, militant contre l’Église, Apprenti, Compagnon et Maître, ont été composés, le 1er  en 1646, le 2e  en 1648 (Thomas Vaughan étant alors en Amérique), le 3e en 1649.

Voilà le terrain déblayé, pour la continuation de mon récit.