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tion des Rose-Croix et prétendait donner satisfaction à l’opinion publique intriguée. Cette brochure portait ce long titre : Advertissement pieux et très utile. Des frères de la Rose-Croix : à sçavoir s’il y en a ? quels ils sont ? d’où ils ont pris ce nom ? et à quelle fin ils ont espandu leur renommée ? Escrit et mis en lumière pour le bien public. Cet opuscule était une nouvelle manœuvre de la secte ; après l’avoir lu, il était difficile de se prononcer sur le vrai but de l’auteur ; la curiosité était plus vivement excitée qu’auparavant. Mais une précieuse indication était donnée à ceux qui désiraient s’affilier : l’écrivain, sans nommer personne, disait que les Frères de la Rose-Croix se recrutaient exclusivement parmi les Anabaptistes et les Sociniens.

Ce fut un trait de lumière pour deux Pères jésuites. Ils firent des recherches et les publièrent : le P. Garasse, dès 1623, dans la Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ; le P. Gaultier, dans l’édition de 1626 de sa Table chronologique de l’estat du Christianisme. Je cite ces écrivains ecclésiastiques, afin qu’on puisse contrôler l’exactitude des assertions que j’apporte pour élucider la question et que j’émets par suite de l’enseignement reçu de mon père et de mon oncle, et par suite des constatations faites aux archives du Souverain Conseil Patriarcal de Hambourg, où sont réunis les principaux documents concernant la Fraternité des Rose-Croix, depuis Fauste Socin jusqu’à Johann Wolff.

Le P. Gaultier s’est enquis sérieusement des Rose-Croix. Il les appelle « une secte secrète, qui court depuis quelques années par l’Allemagne, de laquelle on n’est pas bien informé en particulier, parce que telles gens sèment en cachette leur venin, craignant d’estre découverts. » Il a tenu entre les mains la Themis aurea, du grand-maître Michaël Maïer, ce livre dont j’ai parlé plus haut et qui fut imprimé à Francfort en 1618, c’est-à-dire immédiatement après la tenue du convent de Magdebourg.

Or, le P. Gaultier reproduit, en un court sommaire, six lois essentielles de la Fraternité des Rose-Croix, d’après le chapitre II du livre de Michaël Maïer ; et voici la sixième prescription : « Cette Fraternité devra être celée (tenue cachée) durant cent ans. » Encore une fois, ceci nous mène très exactement à l’an 1717.

On me pardonnera si j’appuie. Tout en faisant connaître mon éducation antichrétienne, j’ai à cœur de fixer, d’une façon irréfutable, l’origine socinienne de la Franc-Maçonnerie par les Rose-Croix, dont mon ancêtre Thomas Vaughan a été le cinquième grand-maître. Les érudits catholiques, qui s’intéressent à cette question et en comprennent toute