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toujours tenu pour l’œuvre du jeune théologien wurtembergeois (Valentin), attendu que le nom de ce Iung ne se trouve nulle part dans les écrits de Philalèthe. Quoiqu’il en soit, ce livre, dont le but était d’agiter l’opinion sans compromettre aucun des membres de la Fraternité, eut immédiatement, en 1616, une traduction hollandaise et une traduction anglaise, celle-ci de Robert Fludd.

De cette légende il importe surtout de retenir les dates qu’elle fixe d’une manière voilée, pour les rappeler aux initiés. Lelio Socin avait écrit : « Ce n’est pas Luther qui a apporté la lumière à ce monde plongé dans les ténèbres de la superstition, c’est Wiclef ; il faut remonter à l’heureuse année 1378, qui a vu le monstre papal coupé en deux et qui nous a valu l’admirable traité Du Pape romain. » (Lettre à Jacob Andreæ, du 24 mai 1560). Cette date de 1378, on la trouve en point de départ de l’histoire de Christian Rosenkreuz, imaginée par Valentin, fidèle disciple de Socin, de même qu’on y trouve en point terminus la date de la mort du grand-maître vénéré.

Que dit cette légende ?

Christian Rosenkreuz avait été inscrit au livre du Destin pour vivre cent-six ans sur terre. À vingt ans, désireux d’étudier à fond la magie, il se rendit à Damas, et les maîtres de la philosophie orientale lui révélèrent des choses extraordinaires. Ils lui racontèrent, d’abord, les faits les plus intimes de sa vie passée ; puis, ils dirent qu’ils l’attendaient depuis bien longtemps, car il était désigné pour être le promoteur d’une rénovation totale du monde. Ils lui communiquèrent alors une partie de leurs secrets, afin de le mettre en état de remplir la grande mission à laquelle il était prédestiné. Rosenkreuz passa quelques annés avec ces philosophes de l’Orient ; ensuite, il se rendit dans le Maroc, à Fez, pour se parfaire dans la science de la kabbale. Étant passé en Espagne, où il tenta de semer dans les esprits les principes rénovateurs qui devaient changer la face de la terre, il fut chassé de ce pays par l’intolérance sacerdotale. Il retoura alors en Allemagne, d’où il était originaire, révéla à trois disciples le secret des secrets, le grand arcane de la thésophie, et enfin il se renferma dans une grotte pour y finir ses jours en solitaire. Il mourut en l’an âge 1484, âgé de cent-six ans, ainsi que les Mages de l’Orient le lui avaient prédit.

Or, ses trois disciples vinrent, l’ensevelirent et disparurent. Il fallait que le tombeau de Rosenkreuz demeurât ignoré pendant six fois vingt ans, et, au bout de cette période, ce tombeau serait le foyer de la lumière destinée à illuminer le monde, aux temps voulus par Dieu.

En 1604, le hasard attira des hommes purs à cette grotte ; ils y pénétrèrent, et grande fut leur surprise en apercevant un tombeau qui