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Le Triangle londonien, auquel elle fut présentée, avait professé d’abord ce que j’appelais « la bonne doctrine », au temps de mon erreur. En d’autres termes, ses fondateurs croyaient en Lucifer Dieu-Bon, tout en s’abstenant de pratiques satanistes. Mais cet état des esprits n’avait pas duré longtemps. En 1890, Lemmi, qui était alors chef du Directoire Exécutif, accrédita auprès de ce Triangle un prêtre apostat, d’origine polonaise, qui avait, pendant quelques années, erré à travers divers pays, avant de venir se fixer en Angleterre.

Ce Judas était animé d’une profonde haine contre le Christ, dont il avait été le ministre. Il s’appliqua à faire admettre les rituels de satanisme par le Triangle où il venait d’être inscrit pour sa résidence à Londres ; à cela, il parvint assez tôt.

Il avait composé une sorte de psalmodie, en mauvaise prose anglaise, qui reproduisait, en l’exagérant encore, le fameux hymne de Carducci. Cette apologie de l’ennemi de Dieu, où il n’employait pas le nom « Lucifer », mais bien le nom « Satan », lui valut une vogue chez les palladistes partisans de Lemmi. Son influence grandissait, grandissait ; au bout d’un an, il était le véritable directeur du Triangle qui l’avait accueilli.

Alors, ce fut une orgie de profanations.

La jeune institutrice avait été admise au grade de Chevalière Élue, peu de temps après que l’apostat commença ses manœuvres au sein de ce Triangle. Elle était française, je crois ; en tout cas, catholique de naissance. Il m’a été dit qu’elle était fille d’un réfugié de la Commune, mort en Angleterre avant l’amnistie.

La première initiation palladique ne lui avait pas fait deviner tout le but du rite ; dans le premier Atelier androgyne qui la compta comme Sœur, elle n’avait vu qu’une société de plaisir, lui fournissant l’occasion et le moyen de s’amuser, sans compromettre sa réputation. Elle n’était pas, cependant, de celles qui tombent tout-à-fait bas.

Quoiqu’il en soit, voulant tout connaître, elle sollicita, en 1891, l’initiation au grade de Maîtresse Templière. Alors, les infamies de l’abominable rituel avaient été encore renforcées par l’apostat polonais.

Je tiens le récit de ce qui se passa, d’une Sœur anglaise avec qui je fis le voyage de Rome, lors de la frauduleuse élection de Lemmi au souverain pontificat de la Maçonnerie universelle. Cette Sœur vota avec le parti de Charleston ; nous étions donc amies toutes deux ; elle ne m’a pas trompée, elle ne me démentira pas. D’ailleurs, elle me montra une lettre de mistress Alice B***, qui, ayant eu connaissance du crime com-