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détruire des vies humaines, avec cruauté, avec la plus sauvage barbarie.

L’anthropomancie, ou divination par le sacrifice de l’homme (hommes, femmes ou enfants, d’ordinaire éventrés), procède directement de l’espèce de divination que les anciens appelaient aruspicine, extispicine, ou inspection des entrailles de la victime. Ils supposaient que les dieux avaient gravé d’avance, dans les organes intérieurs des victimes, les signes ou symboles qui devaient donner les présages demandés par les aruspices. Ces prêtres devins prédisaient : 1° par la simple inspection des victimes vivantes ; 2° par l’état de leurs entrailles ouvertes ; 3° par la flamme qui s’élevait de leurs chairs brûlées. Le cœur maigre, le foie double ou enveloppé d’une double tunique, surtout l’absence du cœur ou du foie annonçaient de grands maux. On rapporte que le cœur manqua à deux bœufs le jour où fut assassiné César. Quelques sorciers modernes ont aussi cherché l’avenir dans les entrailles de certains animaux, le chat, la taupe, le lézard, la chauve-souris, le crapaud ou la poule noire. Cette superstition de l’antiquité païenne trouvait sa confirmation dans l’enseignement même de la philosophie. Platon, par exemple, déclarait que le foie est un miroir où se reflète la pensée divine et se concentre pendant la vie l’intuition divinatoire ; qu’après la mort où y retrouve l’empreinte des images contemplées par l’âme.

Mais l’antiquité ne se borna pas à l’inspection divinatoire des entrailles des animaux : Strabon raconte que les Albaniens du Caucase et les Lusitaniens pratiquaient l’anthropomancie, ou l’inspection des viscères humains.

Les Grecs, plus humains, n’allèrent pas jusque-là, au moins à l’époque civilisée de leur histoire. Hérodote raconte que Ménélas, retenu en Égypte par les vents contraires, sacrifia deux enfants du pays, et chercha à savoir dans leurs entrailles la volonté des dieux.

Plusieurs empereurs romains sont accusés d’avoir pratiqué l’anthropomancie ; Héliogabale fit immoler des enfants pour demander à leurs entrailles le secret de l’avenir, et Julien l’Apostat se livra à la même pratique dans ses opérations magiques et ses sacrifices nocturnes. Dans sa dernière expédition, se trouvant à Carra, en Mésopotamie, il s’enferma pendant quelque temps dans le temple de la Lune, avec quelques-uns de ses satellites. Lorsqu’au lendemain de sa mort, on ouvrit les portes du temple qu’il avait fait sceller, on y trouva une femme pendue par les cheveux, les mains étendues, le ventre ouvert et le foie arraché.

Au fur et à mesure que l’Église prend pied, l’intensité de l’anthropomancie diminue ; bientôt, cette atroce et diabolique superstition ne se cache plus que dans les antres de la sorcellerie.

Tout le monde connaît l’histoire de ce baron du xve siècle, Gilles de Rais ou le maréchal de Retz, d’abord le chevaleresque champion de son roi et le