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femmes réside dans cet aveu dépouillé d’artifice : « Je n’ai jamais pu résister à deux beaux seins nus. »

Voilà l’homme qui dans ses écrits, se donne comme un envoyé de Dieu[1], un apôtre de la chasteté des mœurs, comme un partisan décidé de la monogamie, « seule institution de santé, de progrès et de longévité, le pivot divin de toute civilisation, de toute vertu civique, et de tout bonheur. » Cet amour de la monogamie ne l’empêche pas, dans un écrit intitulé : Que deviendront nos filles ? de démontrer la sainteté de la polygamie, et de se jeter en plein mahométisme, en plein mormonisme, par des maximes du genre de celles-ci : « L’amour de la femme vit dans le bonheur donné, que ce soit par elle seule, ou aidée par une ou plusieurs rivales. La femme peut vivre près d’une rivale aimée et se trouver heureuse… Le paradis de Dante ne vaut certes pas le paradis de Mahomet. »

Quand on professe de semblables doctrines[2], on a mauvaise grâce à jeter la pierre aux Goëthe, aux Musset, aux Hugo, comme aux plus grands corrupteurs de leurs contemporains.

Au milieu de cette vie dissolue, dont Francfort surtout fut le théâtre, on comprend que l’étude de la Bible et du Talmud dut perdre pour le jeune Weill beaucoup de son attrait ; aussi ne se sentant plus le moindre goût pour la vie de rabbin, s’émancipa-t-il bientôt de la morale rabbinique, pour se jeter dans le philosophisme de Lessing et de Voltaire, dans le roman à la Jean-Jacques, dont il croyait naïvement avoir le génie. Le lecteur et le chanteur à la synagogue, le lecteur à l’oratoire de Rothschild, aspira à une gloire plus mondaine, celle de se faire un nom dans la littérature du jour. Accusé par ses coréligionnaires d’apostasie juive, de n’observer plus aucune loi rabbinique, de se révéler comme révolutionnaire et panthéiste, il entra décidément dans les rangs de la Jeune Allemagne, prônant Hégel et l’émancipation de la chair. Telle trouva la révolution de 1830.

Il faut l’entendre acclamer, au nom de la nation juive, ce réveil de la révolution :

« La révolution de 1830, s’écrie-t-il, a retenti comme une trompette de Jéricho dans les cœurs de tous les juifs de l’univers. Le soir, nous dansions comme des forcenés, en gueulant la Marseillaise. »

En cela, d’après Weill, le juif ne fait qu’obéir à un instinct naturel, entretenu par l’esprit de Moïse et des prophètes :

  1. « On n’a qu’à lire l’histoire de Ma Jeunesse pour s’assurer que Dieu m’a créé pour cette sainte mission (de ressusciter le véritable Mosaïsme). Il n’y a pas dans l’Europe du XIXe siècle un seul homme qui ait eu une jeunesse comme moi. » Il faut reconnaitre que le dieu de Weill choisit bien ses prophètes.
  2. Le matérialisme de Weill s’exprime de la façon la plus crue dans des aphorismes tels que ceux-ci : « La morale est de la matière spiritualisée. Physique et métaphysique sont une et indivisible… »