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mois. Il allait à pied à Metz pour y continuer ses études, mendiant en route en chantant la Marseillaise. Son zèle talmudique fut singulièrement scandalisé de trouver à Metz une école rabbinique, en pleine décadence, « les juifs éclairés ne se préoccupant ni de l’instruction de la jeunesse, ni des cérémonies du culte. » Ce qui le scandalisa davantage, ce fut la conversion au catholicisme de quelques-uns de ses coréligionnaires réputés. pour leur science et leurs talents, les Drach, le Koschler, les Lipman[1].

Ne trouvant ni à Metz, ni à Nancy, une école rabbinique gratuite, il se vit obligé de revenir à la maison paternelle et d’y faire le métier de son père, le marchand de bestiaux. À cette époque de sa vie de maquignon, se rattache un épisode de sorcellerie, qui peint bien les croyances populaires de cette époque au pouvoir satanique des sorciers[2].

Mais le maquignonnage ne répondait guère aux grands desseins conçus par le jeune docteur talmudique. Il quitta de rechef la maison paternelle et alla chercher en Allemagne l’enseignement gratuit que lui refusait l’Alsace. En chemin pour Francfort, il eut la « bonne fortune » de séduire la nièce d’un rabbin de Ingenheim, en vertu de l’une des trois manières légales qui constituent le mariage talmudique : « par l’anneau, la lettre, ou l’acte d’amour. »

On devine laquelle de ces trois manières légales fut employée par le séducteur. — « Nous avions oublié, dit Weill après le récit de ce mariage improvisé, qu’il fallait deux témoins. S’il y avait eu deux auditeurs, il nous eût fallu un divorce légal ; car nous étions bel et bien mariés selon la loi talmudique. »

Toute la suite des mémoires de Weill sur sa jeunesse et ce qu’il appelle sa vie de Bohème n’est que la narration complaisante des autres aventures de ce genre, dont juives et chrétiennes furent les victimes.

L’excuse à l’aide de laquelle ce Lovelace juif essaie de s’absoudre aux yeux de ses lecteurs donne la mesure de sa moralité : « Certes, dit-il, je n’eusse jamais osé lever les yeux sur une femme mariée. L’adultère, pour un juif orthodoxe, est le crime des crimes, après l’inceste. Je n’eusse point encore violé la loi talmudique, défendant de s’approcher d’une vierge sans bain sacré et sans bénédiction nuptiale. (Weill oublie l’aventure qu’il a racontée plus haut). Mais je croyais qu’il était permis de calmer ses ardeurs contre une jeune fille libre, sauf à ne pas aller trop loir. »

La suite de ses aventures érotiques prouve surabondamment que ses édifiants scrupules furent de peu de durée, et toute sa morale à l’égard des

  1. « Un juif, dit-il, ne peut changer de religion par conviction, à moins de tomber dans l’idiotisme. »
  2. Ma jeunesse, page 149.