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le drapeau de la maçonnerie qui m’a adopté, et je proclame ici que, si la race juive a des défauts qu’il est permis d’attribuer à l’abaissement de son passé, elle a également de sublimes qualités. »


Cette déclaration orgueilleuse d’un des plus célèbres maçons juifs, aussi fameux comme chef de la secte que comme zélé et fervent israélite[1], m’amène tout naturellement à faire connaître l’opinion des juifs eux-mêmes sur le rôle qu’ils ont joué et qu’ils jouent encore dans la franc-maçonnerie. Si en effet nous interrogeons les enfants d’Israël là-dessus, leur réponse, tout embarrassée et discrète qu’elle est, ne laisse pas que de jeter quelque lumière sur ce point si obscur pour les profanes et même pour la grande majorité des francs-maçons.

En 1844, la question fut traitée ex-professo dans les Archives Israélites' de France par le Vénérable de la loge écossaise le Mont-Sinaï, orient de Paris, laquelle a toujours compté des membres juifs en grand nombre[2]. L’auteur, bien entendu, n’y dit que ce qu’il veut dire, et, comme il l’avoue lui-même, n’y touche que des points qui peuvent être traités publiquement. Naturellement, les juifs acceptent la légende maçonnique qui fait remonter la franc-maçonnerie à une époque antérieure à la construction du temple de Salomon. Ils aiment à se rattacher aux Esséniens, qui pour eux ne sont qu’une secte maçonnique, descendant des Chasidéens, espèce d’Ordre des Chevaliers du Temple de Salomon. Les premiers chrétiens se seraient servis de leur organisation mystérieuse pour dérober aux yeux profanes les cérémonies de leur culte prohibé.

Depuis l’ère chrétienne, la franc-maçonnerie ayant pris un caractère chrétien, — admirez la hardiesse du mensonge, — les israélites, racontent ce Vénérable, cessèrent d’en faire partie ; ils eurent alors une franc-maçonnerie à eux, des signes de ralliement et des mots qu’eux seuls pouvaient comprendre, des réunions secrètes, dont tout profane était sévèrement éloigné. Cependant la franc-maçonnerie n’en continua pas moins de rapporter aux juifs son origine, et de leur emprunter leur calendrier et des mots hébreux pour mots de passe et de ralliement. Citons textuellement :

« Dès que la Révolution de 1789 eut popularisé les idées de justice et de tolérance qui les fusionnèrent dans la société politique, ils se jetèrent avec ardeur dans la voie maçonnique, où retentissaient à leurs oreilles, comme une musique céleste, ces mots si doux de fraternité, égalité, philosophie et justice… »

  1. J’appelle l’attention de Léo Taxil sur ce point. Il est bien certain que Crémieux était un « vrai juif de synagogue », un israélite pieux dans sa religion. Cela l’a-t-il empêché d’être un maçon actif et même un des chefs ?
  2. D’après un annuaire récent, celui de 1891, le député de la loge Le Mont-Sinaï auprès de la Grande Loge Centrale est un israélite, le F∴ Obermaryer.