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longtemps, un jour que je demandai de ses nouvelles à quelqu’un du pays.

Émilia et son amie refusaient à leurs familles, invariablement, quiconque leur était présenté comme prétendant à leur main. Ni l’une ni l’autre ne voulaient se marier, disaient-elles. Un jour, sans que l’événement ait jamais pu être expliqué, on les trouva toutes deux mortes, au retour d’un court voyage du père et de la mère d’Émilia. Elles s’étaient enfermées dans la chambre de celle-ci, avaient allumé un réchaud de charbon et s’étaient asphyxiées. Elles reposaient toutes deux ensemble sur le lit, côte à côte, se tenant les mains. Aucun écrit n’était là pour indiquer ce qui les avait poussées au suicide ; elles emportèrent leur secret dans la tombe. Mais ce qui, dans cette catastrophe, mit le comble à la surprise des deux familles, c’est qu’Émilia et son amie avaient chacune au bras gauche un bracelet en or, figurant un serpent, enrichi de diamants de la plus belle eau, et nul de leurs parents n’avait jamais vu ces bijoux ; on les présenta aux différents orfèvres de la ville, ils ne sortaient de chez aucun d’eux. Je me crois le droit d’ajouter que, seuls, les frères et sœurs du triangle connaissaient l’existence de ces parures d’Émilia et de son amie, et peut-être, eux, ils en savaient, en outre, la secrète provenance. En fait de richesses, ce fut là, évidemment, tout ce que Lucifer avait donné à ses élues, et les malheureuses lui avaient livré leur âme !


Par tout ce qui précède, on voit que le diable exerce, d’une manière puissante, son action au moyen des songes, lorsque les personnes qui ont de tels rêves s’y sont préparées par de mauvaises lectures ou de mauvaises fréquentations. On comprend encore par là qu’un directeur de conscience a le devoir de s’enquérir de ces mystères du sommeil, qui peuvent avoir une très grande importance pour indiquer parfois quel est l’état d’esprit de la personne dirigée ; par là, un prêtre intelligent, perspicace et prudent en même temps que vertueux, parviendra à déjouer les ruses du démon, à l’affût d’une âme déjà troublée ; ainsi, le ministre de Dieu agira, dans le domaine des consciences qui lui est réservé, comme le médecin agit dans l’intérêt de la santé du corps, alors que, dans certains cas, il s’enquiert des rêves de son malade.

Quant à ce qui est de l’interprétation des songes au point de vue de la découverte de l’avenir, nous savons déjà que c’est une science purement illusoire, en dehors de Dieu et de ses prophètes. Il n’y a pas lieu de se préoccuper dans ce sens, au sujet des diverses visions nocturnes, et c’est une folie que d’adopter telle ligne de conduite à raison de tel rêve.

Ces songes, c’est-à-dire ceux qui ne sont ni divins ni diaboliques, ainsi que ceux où les songeurs sont doués de facultés intellectuelles dépassant la portée de l’intelligence à l’état de veille, sont plutôt du domaine de la psychologie scientifique. Mais, cela est triste à dire, pour le vulgaire des superstitieux,