Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit que c’étaient les hymnes des bienheureux et des saints ; ce qu’il vit alors à sa gauche, je ne m’en souviens pas bien. Il se réveilla, et ne se préoccupa pas davantage d’un simple songe. Voilà que la nuit suivante, le même jeune homme lui apparut de nouveau, et lui demanda s’il le connaissait. Il lui répondit qu’il le reconnaissait parfaitement. Alors, il lui demanda où il l’avait connu. Gennadius se souvint de son rêve précédent, et lui en rappela toutes les circonstances. Le jeune homme, continuant de l’interroger, lui demanda si ce qu’il venait de lui raconter, il l’avait vu en songe ou bien éveillé. « En songe, répondit Gennadius. — Tu as raison, dit le jeune homme, c’est bien en songe que tu as vu et entendu tout cela ; et c’est bien en songe que tu vois encore maintenant. » Puis il ajouta : « Où est maintenant ton corps ? » Gennadius répondit : « Dans mon lit. — Sais-tu, dit le jeune homme, que les yeux de ce même corps sont à présent fermés et inactifs, que tu ne vois rien par eux ? — Je le sais, répondit Gennadius. — Quels sont donc ces yeux, reprit l’autre, avec lesquels tu me vois ? » Ne sachant que répondre à cette question, Gennadius se tut. « Eh bien ! continua son interlocuteur, de même que les yeux de ta chair, pendant que tu dors dans ton lit, sont sans exercice et sans emploi, et que cependant il y a d’autres yeux avec lesquels tu me vois et jouis de cette vision, de même, quand tu seras mort, et que les yeux de ta chair seront éteints, il y aura en toi une autre vie dont tu vivras, d’autres sens avec lesquels tu sentiras. Ne doute donc plus désormais que la vie persiste après la mort. » C’est ainsi que cet homme de foi me dit que ce doute disparut de son esprit ; en vertu de quel enseignement, sinon de la providence et de la miséricorde de Dieu ?

Les écrivains orthodoxes, à la suite des Pères de l’Église, n’ont jamais mis en doute l’origine céleste de certains songes. Mais il serait difficile de rapporter à cette origine toutes les visions qui assiègent l’esprit de l’homme pendant son sommeil. S’il est des visions et des songes divins, il en est aussi de diaboliques. Telle a été de tout temps la croyance générale de l’Église.

Un écrivain ecclésiastique du xviiie siècle, le R. P. Costadan, dans son Traité historique et critique des principaux signes dont nous nous servons pour manifester nos pensées ou le commerce des esprits, résume ainsi la question de l’intervention diabolique dans les songes :

« Il est constant que les songes superstitieux et diaboliques ne sont venus qu’après les divins et les naturels ; mais sur ceux-ci le malin esprit en a feint d’autres à sa mode ; et il ne tarda pas à le faire dans le dessein de tromper les hommes, en se faisant passer pour un dieu, et son dessein lui réussit. Il ne commença pas d’abord à faire croire aux hommes, par des visions, que la découverte de l’avenir qui dépend de la liberté, que la révélation des secrets du cœur et des pensées intérieures ne surpassaient pas son pouvoir, ils s’en seraient défiés ; mais, pour en venir là, il entreprit