Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Notez bien, ils n’ont encore que des chances et, attendu qu’on ne leur a rien dit et que le moment est venu où ils vont être examinés, jaugés, appréciés, discutés, sans qu’ils se défient de cet examen, ils peuvent, ce jour-là, pour le moindre impair, perdre à jamais l’occasion d’être admis dans le temple réservé où tout se fait par cinq. Les fines mouches à qui le Vénérable les a confiés, et qui, pour la variété de la danse, se les repassent de l’une à l’autre pendant la soirée, sont expertes, adroites, et leur tirent gentiment tous les vers du nez.

Le lendemain de la fête, elles se réunissent chez une d’elles et se font part de leurs impressions sur les trois candidats proposés par les frères à l’admission dans la loge androgyne. Elles sont libres de les refuser tous trois ; mais si tous les trois leur conviennent, elles n’ont néanmoins qu’à arrêter leur choix sur un seul ; les deux autres, jugés admissibles par ces dames, attendront, toujours sans le savoir, une nouvelle occasion.

Toutefois, l’élu du comité féminin ne voit pas encore s’ouvrir devant lui les barrières du jardin d’Éden. Il faut, ne l’oublions pas, qu’il ait pour lui l’unanimité des sœurs. D’autre part, ceci est facile à concevoir, il n’aura pas à passer par des épreuves quelconques d’un rituel : il n’y a pas d’initiation pour l’entrée des frères dans les loges androgynes ; on leur en révèle l’existence au moment qui a été décidé opportun ; une fois la confidence à lui versée dans son oreille, il n’y a plus à le scrutiner. On décide si oui ou non il doit être mis au courant ; si oui, on lui fait la révélation ; après quoi, il n’y a plus à y revenir, il serait trop tard.

L’élu de ces dames examinatrices est donc à présent l’objet de quelques invitations particulières, en dehors de toute maçonnerie. Sous des prétextes variés, il est reçu chez l’une, chez l’autre, se trouve peu à peu en présence des diverses sœurs de la loge annexe ; ainsi, toutes arrivent à se faire une opinion sur lui. Si aucune n’émet d’opposition à sa réception définitive, l’affaire est dans le sac, et le voilà désormais en possession du grand secret.

Tel est le procédé de recrutement des frères pour les loges androgynes. C’est celui qui se pratique depuis 1846 : il a été imaginé par les FF∴ Jao da Costa de Brito-Sanchez, vicomte de La Jonquière, Duchesne ainé et baron de Dellay d’Avaize, assure-t-on ; en tout cas, sa règle a été fixée par le F∴ de La Jonquière, qui remania à cette époque la « liturgie » du Rite des Écossaises de Perfection. Et sa manière d’opérer fut trouvée à tel point ingénieuse, qu’elle a été adoptée depuis par tous les rites féminins, y compris les loges androgynes pratiquant le Rite d’Adoption, le plus répandu sur le globe.

À ce qui précède il est bon d’ajouter encore quelques particularités, qui n’ont pas été divulguées, je crois, par les auteurs ayant traité avant moi la question des sœurs maçonnes.

Ainsi, on a pu croire que les sœurs maçonnes vont d’un atelier à un autre,