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Manichéisme ; celui de saint Jérôme, qui le détourna des études purement profanes ; celui de saint Ambroise, qui put ainsi découvrir les corps des deux martyrs saint Gervais et saint Protais, et enfin tant d’autres songes qui vinrent s’offrir à des personnages recommandables par leur bonne foi, leurs lumières et leur moralité.

Tertullien et saint Chrysostome admettaient nettement la révélation divine par les songes ; seulement, ils veulent, avec juste raison, qu’on ne croie aux songes qu’après leur accomplissement, les prédictions tirées des songes n’ayant un caractère divin que lorsqu’elles se réalisent. Saint Grégoire de Nysse et saint Thomas jugent qu’il est parfaitement licite d’appliquer l’onéirocritie à la médecine, et permettent aux médecins de se servir de l’observation des songes d’un malade, pour lui prescrire un traitement conforme à son tempérament. Saint Augustin est un partisan déterminé de l’onéirocritie divine. Il en raconte plusieurs cas, auxquels il croit franchement comme à des avertissements directement venus du ciel.

En voici un dont il avait recueilli les détails à Milan :

Un fils venait d’hériter de son père, quand on lui demanda le paiement d’une dette considérable que celui-ci n’aurait pas eu le temps d’acquitter avant sa mort. Étonné que son père fût resté débiteur d’une aussi forte somme sans lui en avoir rien laissé soupçonner, il se trouva dans un extrême embarras, d’autant plus que le testament était à cet égard aussi muet que les autres papiers du défunt. Il ne savait donc quelle résolution prendre, quand, par bonheur, son père lui apparut en songe, tout exprès pour lui apprendre qu’il avait déjà payé cette dette, et qu’il en avait mis la quittance à un certain endroit, où le fils le lendemain la trouva en effet. Grâce à cette révélation reçue en rêve si à propos, il put couvrir de confusion le créancier déloyal et garder son argent.

Dans une lettre à Evodius, qui l’avait consulté à ce sujet, saint Augustin le renvoie à ce qu’il a dit sur les visions du sommeil dans le 12me livre de ses Commentaires sur la Genèse, et termine en lui racontant le fait suivant :

« Notre frère Gennadius, médecin très connu de tous et qui nous est très cher, aujourd’hui demeurant à Carthage, après avoir exercé son art avec le plus grand éclat à Rome, vous est connu pour un homme religieux, d’une bienveillance et d’un dévouement infatigables dans le soin des pauvres. Cependant, comme il nous l’a raconté dernièrement lui-même, étant encore adolescent, il doutait s’il y avait une autre vie après la mort. Mais comme Dieu ne perdait pas de vue ses intentions et ses œuvres de miséricorde, il lui apparut en songe un beau jeune homme qui lui dit : « Suis-moi. » Et en le suivant, il arriva à une certaine ville, où il entendit tout à coup à sa droite les sons de la plus douce mélodie, dont la suavité dépassait toutes les mélodies connues. Comme il cherchait à deviner ce que c’était, le jeune homme lui