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Voici, par exemple, une loge qui a toujours pratiqué un rite masculin ou plusieurs rites masculins exclusivement. Un beau jour, quelques-uns de ses membres veulent créer, non pas au sein de la loge, mais à côté, un atelier-annexe androgyne. Ils s’adressent au pouvoir souverain de la fédération, Grand Orient, Suprême Conseil ou Grande Loge, et sollicitent l’autorisation nécessaire.

D’après la règle, pour que l’autorisation soit accordée, il faut : 1° que les impétrants comptent parmi eux au minimum cinq frères pourvus du grade de Maitre, trois frères pourvus du grade de Rose-Croix, et un frère pourvu du grade de Chevalier Kadosch ; 2° que tous les impétrants sans exception aient au minimum cinq ans d’activité au sein de cette même loge, c’est-à-dire n’aient pas parmi eux un seul frère précédemment membre d’une autre loge et affilié à celle-ci depuis moins de cinq ans, fût-il Kadosch ; 3° qu’au nombre des impétrants se trouvent les cinq premières lumières de la loge, c’est-à-dire le Vénérable, le premier et le second Surveillants, l’Orateur et le Secrétaire, tous les cinq en exercice au moment de la demande.

Ces conditions étant remplies et les métaux fixés par le tarif de la fédération versés, l’autorisation est accordée, autorisation dite « en cumulation de rites » pour pratiquer tel ou tel rite androgyne reconnu.

Les fondateurs de la loge-annexe se gardent bien de prévenir leurs collègues de cette belle innovation : d’abord, parce que plusieurs de ceux-ci risquent de ne pas être admis à la faveur de participer à ces réunions intimes d’un nouveau genre ; ensuite, parce que l’atelier androgyne n’est pas encore prêt à fonctionner.

À ce moment, intervient, déléguée par le pouvoir central de la fédération, la souveraine grande-maîtresse nationale du rite androgyne que les fondateurs se proposent de pratiquer.

Celle-ci se rend à l’orient où se trouve la loge autorisée à s’annexer un atelier d’Adoption. Là, elle se met en rapport avec les neuf impétrants, et se fait présenter cinq dames ou demoiselles qui ont été sondées et au sujet de la discrétion absolue desquelles les frères présentateurs ont des raisons d’être sûrs.

La grande-maîtresse examine le cas de chacune de ces cinq dames ou demoiselles et donne son avis motivé dans un rapport qu’elle adresse au pouvoir central. On pense bien que la grande-maitresse nationale d’un rite, — ou sa suppléante, en cas d’empêchement, — n’est pas la première venue ; les femmes qui arrivent à cette haute fonction dans la maçonnerie, sont toujours d’une intelligence hors ligne, bien que souvent passant inaperçues au milieu du monde profane. Aussi, l’avis émis par la grande-maîtresse, visiteuse de la loge androgyne en voie de création, est adopté, sauf d’infiniment rares exceptions.