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récipiendaire est admis au second degré de l’initiation maçonnique, le Vénérable lui dit : « Mon frère, jusqu’à présent, vous n’étiez qu’un simple Apprenti, et, comme tel, vous étiez censé n’avoir que trois ans. À dater d’aujourd’hui, vous avez cinq ans ; tel est votre âge en maçonnerie. Cet âge vous rend apte à visiter les loges d’Adoption, où tout se fait par cinq[1] ».

Et, comme cette dernière phrase a généralement pour résultat d’intriguer le nouveau Compagnon, celui-ci, à la sortie de la séance, ne manque pas de demander des explications à son Vénérable ; car il tient à savoir ce que sont ces loges d’Adoption, dont jusqu’alors il n’avait jamais entendu parler.

« Le Vénérable explique donc ainsi : «Il est certaines choses que nous ne pouvons révéler à nos adeptes, qu’après les avoir sérieusement éprouvés. Nous croyons à présent pouvoir compter sur vous, et c’est pourquoi nous vous avons reçu Compagnon. Lors de votre première initiation, je vous ai dit que nous n’admettions pas de femmes dans nos loges. En effet, nos loges ne reçoivent pas de femmes à leurs mystères ; mais il existe des loges de dames, appelées loges d’Adoption, aux mystères desquelles les maçons sont admis, dès qu’ils ont reçu le grade de Compagnon. »

« Tel est le mot de l’énigme. Aussi, un franc-maçon, qui n’a jamais été reçu qu’au grade d’Apprenti, est-il d’une bonne foi parfaite, en affirmant qu’il n’y a pas de femmes dans la franc-maçonnerie. J’ajoute que même un Compagnon peut être également de bonne foi, en émettant une affirmation semblable ; car il est fort possible qu’il n’ait jamais assisté à une séance de maçonnerie féminine[2] ».

M. Léo Taxil a publié, à la suite de cela, les rituels des grades féminins qu’il avait réussi à se procurer ; mais il n’a pas expliqué comment des Compagnons peuvent être de bonne foi en niant les ateliers androgynes. Or, non seulement des Compagnons peuvent les ignorer, mais mêmes des adeptes pourvus de n’importe quels grades de la maçonnerie ordinaire.

L’explication que le Vénérable donne hors séance au nouvel initié au 2e degré contient encore une subtilité. Le terme dont il se sert, loges de dames, est impropre. Il n’existe pas d’ateliers où les femmes travaillent seules. Ce qui est vrai, c’est que des ateliers de frères travaillant à tel ou tel degré (loge, chapitre, aréopage) peut constituer une loge d’Adoption, où certains maçons, choisis dans les conditions et les circonstances que je vais dire, travaillent avec des sœurs maçonnes ayant aussi tels et tels degrés.

  1. M. Léo Taxil n’a pas cité textuellement le rituel ; néanmoins, il ne s’est nullement écarté de la vérité. Voici les paroles mêmes que prononce le Vénérable :
    « Comme Compagnon, vous avez cinq ans. La progression qui suit le grade indique les lumières et l’expérience que vous êtes censé avoir acquises ; mais, apprenez, mon frère, que l’âge ne les donne réellement qu’à celui qui s’est associé aux hommes et aux choses. Cet âge vous rend apte à visiter les loges d’Adoption pour les dames, où tout se compte par cinq » (Ragon, Rituel du grade de Compagnon, 1860, page 31.)
  2. Léo Taxil, Y’a-t-il des femmes dans la franc-maçonnerie ? un vol, in-12, 1891, pages 2 et 3.