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La justice avait pensé d’abord que cette mortalité avait été causée par des poisons naturels. Mais on découvrit bientôt de nouveaux crimes. Malgré l’arrestation du berger, les bestiaux du sieur Visier, à qui Hocque en voulait spécialement, continuaient de périr ; d’où le soupçon très légitime qu’on s’était trompé. Visier, convaincu qu’il y avait maléfice diabolique et désirant éclairer la justice, se servit, à cet effet, d’un nommé Béatrix, compagnon de chaîne de Pierre Hocque, pour qu’il engageât celui-ci à faire cesser une mortalité si ruineuse. Béatrix, vivant familièrement avec le berger, s’en chargea volontiers dans l’espoir d’une récompense, et, dans les épanchements causés par le vice, obtint du condamné un aveu complet. Pierre lui confia qu’il se servait d’une charge d’empoisonnement magique, appelée les neuf conjurements, laquelle subsistait encore, et se composait de sang, de fiente d’animaux, d’eau bénite, de pain bénit de cinq paroisses, notamment de celle où est le troupeau qu’on veut maléficier, d’un morceau de la sainte hostie, que ces misérables retiennent lors de la communion, de crapauds, de couleuvres, etc., mis dans un pot de terre neuf, acheté sans marchander ; ils y mettent plusieurs billets sur lesquels ils écrivent avec le sang des animaux, mêlé d’eau bénite, les paroles de la consécration, etc. On enterre ce pot sur le chemin où passent les bestiaux, sous le seuil des étables, etc. On renouvelle sa vertu en l’aspergeant de temps en temps de vinaigre.

Béatrix lui fit observer qu’étant condamné, il n’avait nul profit à espérer de cette charge, qu’il fallait la lever. Hocque répondit que, n’étant pas libre, il ne le pouvait, mais qu’il avait un ami, Louis Couasnon, dit Bras-de-Fer, qui demeurait à Courtois, près de Sens, qui le pouvait très bien. Béatrix se fit dicter une lettre à l’adresse de Nicolas Hocque, par laquelle il le chargeait de se transporter chez Bras-de-Fer (sans dire qui avait fait cette charge) et de le prier de la lever.

À peine les fumées du vin étaient-elles dissipées, que Pierre Hocque, réfléchissant à ce qu’il avait fait, commence à se tourmenter et à pousser des hurlements, disant qu’il allait mourir lui-même, à l’instant où Bras-de-Fer lèverait la charge ; dans son désespoir, il se jette sur Béatrix pour l’étrangler. Les autres forçats, frappés de sa douleur, veulent exterminer Béatrix, qui n’aurait pu éviter la mort, si le commandant de la Tournelle, avec ses gardes, ne l’eussent délivré.

Bras-de-Fer va remplir son mandat à Pacy ; il entre dans les écuries, fait des cérémonies impies, sacrilèges, exécrables, qu’on ne saurait rapporter ici. Simulant l’homme de bien, il recommande à Visier de faire dire « une messe à Saint-Cartos » ; ce que celui-ci fit innocemment, ignorant que ce fût le crapaud dont le venin sert dans les empoisonnements. Bras-de-Fer s’enferme dans les écuries avec Étienne Hocque et en bouche toutes les ouvertures avec de la paille, ainsi que le tout est exposé dans les dépositions, confronta-