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Il ne faut pas oublier que dans la plupart des cas, l’usage du philtre était accompagné de cérémonies sacrilèges et de paroles magiques dépourvues de tout sens raisonnable. On peut dire, sans crainte de se tromper, que le diable n’est pas pour rien dans toutes les recettes récentes si hautement préconisées pour rajeunir la virilité et entretenir le libertinage au delà des bornes fixées par la nature. Aphrodisiaques censément médicaux et philtres magiques, tout cela est également infâme et (vient uniquement de l’inspiration de Satan, on peut hardiment l’affirmer.

22° Charmes par ligatures. — Ces charmes produisent l’effet opposé à celui des précédents. Ils lient, empêchent ou paralysent la puissance du sens génésique ; aussi les appelle-t-on également charmes d’impuissance. C’était là ce qu’on appelait « nouer l’aiguillette ». D’après Bodin, il y avait plus de cinquante manières de nouer l’aiguillette, et Boguet constate que de son temps, sous le règne de Henri IV, l’usage de ce maléfice était devenu plus commun qu’à aucune autre époque. « La pratique en est aujourd’hui, dit-il, plus connue que jamais, vu que les enfants mêmes se mêlent de nouer l’aiguillette, chose qui mérite un châtiment exemplaire. »

Le rite le plus ordinaire de cette ligature s’accomplissait à l’église, pendant la cérémonie nuptiale. Le sorcier ou maléficier se munissait d’un simple lacet : lorsqu’avait lieu l’échange des anneaux, il faisait à ce lacet un premier nœud ; puis un second, au moment même de la bénédiction nuptiale ; et enfin un troisième, quand les époux se trouvaient sous l’écharpe dont on les couvre. Bien entendu, le sorcier opérait sans être vu.

On comprendra aisément que je n’insiste pas sur un pareil sujet. D’autre part, il est juste de reconnaître que l’usage de ce genre de maléfice est aujourd’hui moins répandu que du temps de Boguet. En tout cas, il est toujours opportun de se souvenir que l’Église réprouve ces pratiques comme ne pouvant être inspirées que de Satan, et d’avoir présentés à la pensée ces réflexions d’un théologien profondément versé dans ces matières, le R. P. Debreyne ; après avoir cité l’opinion du célèbre Paul Zacchias, médecin du pape Innocent X, « qu’il faut rarement croire à ces sortes de maléfices, bien que parfois ils existent véritablement », il ajoute :

« Au reste, le démon, malheureusement, n’y perd rien. Il a trouvé moyen de se dédommager amplement, et on sait comment il exploite le mariage à son déplorable et immense profit. Voulez-vous savoir sur quels époux le démon exerce le plus souvent son pouvoir et son infernale malice ? L’ange Raphaël vous l’apprendra par ces paroles adressées au jeune Tobie : « Écoute-moi, et je t’apprendrai quels sont les maléfices que le démon peut exercer contre toi… Les personnes qui se marient et chassent Dieu de leur pensée se livrent alors à la débauche comme les bêtes dénuées de toute intelligence, et le démon règne sur ces époux. » Voilà bien certai-