Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Roman Ramirez, brûlé à Tolède en 1600, confessa qu’il avait appris de Satan à guérir plusieurs maladies secrètes, par le moyen d’herbes et de parfums.

Qui ne connaît quelque rebouteux ou rebouteuse, ayant encore aujourd’hui grande vogue dans nos campagnes ? Sur toutes ces guérisons plus ou moins magiques ou diaboliques, la doctrine de l’Église est formelle : c’est qu’il n’est pas permis de se servir des arts magiques, même pour une bonne fin, et qu’il est illicite d’opposer maléfice à maléfice. C’est ainsi que l’usage des préservatifs contre les maléfices est aussi criminel que l’usage des maléfices mêmes. Saint Grégoire parle d’une fille, qui se fit délivrer d’un démon par un magicien ; cinq ou six autres démons entrèrent aussitôt en elle prendre la place du premier.

Il est arrivé plus d’une fois que le sorcier lui-même devint victime du maléfice qu’il était appelé à guérir. De Lancre en cite un exemple, qui est, dit-il, on ne peut plus véritable. En 1555, un conseiller au parlement de Bordeaux avait une fièvre dont il ne pouvait se délivrer. On lui indique un jeune homme qui le guérira ; on convient d’un salaire. Le guérisseur fait des conjurations, trace un cercle et y fait entrer le président. Il lui demande alors s’il n’a pas quelque vieux parent ou ennemi dont il voudrait se défaire ; le magistrat répond « qu’il ne désire donner son mal à personne ». Le sorcier insiste, prétend qu’ils sont engagés trop avant pour reculer : « Je n’avais pas le dessein, dit le magistrat, de donner mon mal à personne ; mais, puisque vous me forcez à le donner, je ne pourrais en faire présent plus à propos qu’à vous-même, qui savez le guérir. » — À peine eut-il dit ces mots, que le sorcier s’écria qu’il était mort…, ajoutant qu’étant étranger et n’étant venu que pour opérer une cure, on voulût bien lui permettre de mourir dans l’hôtel ; le magistrat, fort étonné, crut qu’il pourrait le guérir en le soignant ; ce qu’il fit, mais en vain ; le sorcier, pris du mal du conseiller, mourut, au grand ébahissement de toute la ville. (De Lancre, Tableau de l’inconstance des Démons, p. 353.)

Plus récemment, en 1853, le procès (en cour d’assises) de Claude Feuillet, cultivateur, âgé de cinquante-six ans, démontra l’authenticité des sortilèges. Cet homme, victime d’un sort jeté sur lui, apprit par un autre sorcier que ses malheurs prendraient fin s’il réussissait à dissimuler complètement son sexe. Il s’habilla donc en femme, changea de localité, et, en effet, les maléfices auxquels il était en butte cessèrent d’avoir leur effet contre lui. Mais, à quelque temps de là, Feuillet, se croyant à jamais délivré de l’obsession, se maria ; il eut un enfant. Dans la localité nouvelle où il avait établi sa résidence, les maux recommencèrent alors à pleuvoir sur lui. Au lieu de recourir à l’Église, qui l’aurait victorieusement débarrassé des attaques du diable, il résolut de reprendre ses jupons, de changer encore de ville, en un mot, de dissimuler