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s’était passé conformément à son récit. » Pour opérer de semblables métamorphoses, le diable, aujourd’hui devenu spirite, se passe de philtres ou de fromages ; il lui suffit de quelques passes d’un Vocate Procédant ou d’un simple regard d’un Vocate Élu.

Mais revenons aux Grecs.

On connait la grande réputation des femmes de Thessalie dans l’art magique, leur habileté à composer des charmes, des poisons et des philtres. À côté d’elles, certains enchanteurs d’un ordre inférieur, se livrant aux pratiques de la Goétie, étaient surtout redoutés par leurs intentions toujours criminelles ; ils composaient des philtres qu’ils vendaient à tout venant. Les mystères célèbres en certains lieux de la Grèce étaient remplis de rites fort semblables aux pratiques des sorciers du moyen-âge. Un grand rôle y était joué par les reptiles et les animaux immondes, les philtres et les compositions dégoûtantes, les formules les plus bizarres. L’usage des charmes et des philtres passa de la Grèce en Italie, où il régna jusqu’à la chute de l’empire romain, malgré les nombreuses lois qui essayèrent d’en arrêter les progrès. Les poètes latins érotiques sont pleins de révélations sur le rôle joué par la magie dans les amours coupables de la plus corrompue des sociétés. On ferait une longue liste des crimes commis par la magie d’alors ; je n’en veux citer qu’un, d’autant plus remarquable que l’empereur philosophe Marc-Aurèle y trempa lui-même. J. Capitolinus, dans sa vie de Marc-Antonin (XIX) le raconte ainsi :

« Un jour, Faustina, fille d’Antonin le Pieux, et femme de Marc-Antonin, voyant défiler des gladiateurs, s’éprit de l’un d’entre eux en vertu d’un charme jeté sur elle. Longtemps tourmentée de sa folle passion, elle en fit l’aveu à son époux. Marc-Antonin consulta les Chaldéens à ce sujet ; ils répondirent qu’il fallait mettre à mort le gladiateur, que de son sang Faustina devait se laver certaines parties du corps, et coucher en cet état dans le lit de son époux. Ainsi fut fait : le charme fut détruit ; mais Commode vint au monde… Il n’y a rien dans cette histoire que de vraisemblable, si l’on songe que le fils d’un si vertueux empereur fut tel que ne fut jamais ni boucher, ni histrion, ni valet d’arène, ni homme, enfin, comme en produit la fange de tous les crimes, de toutes les infamies. »

Creuzer (Religions d’Italie, ch. IV) parle longuement des fulguritores (lanceurs de foudre) étrusques, auxquels Tullus Hostilius et Numa devaient la science de conjurer la foudre, de la lancer sur les ennemis, de la faire entendre par un ciel serein. « Rien n’égalait, dit Creuzer, la crainte et l’horreur dont se sentaient pénétrés ceux qui lisaient les rituels des fulguritores. » — « Tous les passages des anciens, ajoute Guignaut en note, prouvent que cet art consistait seulement en prières et en cérémonies conjuratoires. » — « J’affirme, dit l’historien Pausanias, avoir vu moi-même des hommes qui,