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Voulons-nous, à côté de l’autorité de saint Augustin, celle d’un grand savant moderne ? Écoutons le révélateur des mystères de l’Égypte, Champollion-Figéac : « En un mot, toutes ces combinaisons formées d’herbes, de pierres, d’animaux, de certaines émissions de voix, de certaines figures, ou imaginaires, ou empruntées à l’observation des mouvements célestes, combinaisons qui deviennent, entre les mains de l’homme, des puissances productrices de divers effets, tout cela n’est que l’œuvre de ces démons, mystificateurs des âmes asservies à leur pouvoir, et qui font de l’erreur des hommes leurs malignes délices. »

Champollion-Figéac prononçait ces graves paroles au sujet des charmes et enchantements pratiqués dans l’ancienne Égypte, et dans lesquels il trouvait la clef des prodiges de la magie moderne. Le maléfice y existait dans toute son horreur. L’évocation suivante du démon, prononcée par la bouche du goëtien de l’antique Égypte, en fait foi :

« Ô toi qui hais, parce que tu as été chassé, je t’invoque, tout-puissant souverain des dieux, destructeur et dépopulateur, toi qui ébranles tout ce qui n’est pas vaincu ! Je t’évoque, à Typhon-Seth !… Vois, j’accomplis les rites prescrits par la magie, c’est par ton vrai nom que je te somme. Viens donc à moi franchement, car tu ne peux me refuser… Et moi aussi, je hais telle maison qui est prospère, telle famille qui est heureuse ; sus contre elle et renverse-la, car elle m’a fait injure ! »

J’ai déjà dit, maintes fois, quelle fut chez les Grecs la puissance de la magie associée à la religion ; le paganisme étant une des religions diaboliques les mieux aimées de Satan[1], le prêtre était, le plus souvent, doublé d’un magicien. Qui ne connaît la légende de Circé servant à ses hôtes de passage tels mets et tels breuvages corrompus par ses préparations enchantées et les transformant en lions, en loups, en pourceaux ?…

Les enchantements de Circé se sont perpétués dans les traditions des sorcières d’Italie. « N’avons-nous point nous-même, pendant notre séjour en Italie, dit saint Augustin, entendu rapporter que des femmes de cette contrée, des hôtelières initiées aux pratiques de la sorcellerie, savaient communiquer à des fromages offerts aux voyageurs la vertu de transformer en bêtes de somme ceux qui s’en nourrissaient ? Elles faisaient travailler ces malheureux à des transports de fardeaux, et lorsqu’ils s’étaient acquittés de leur tâche, elles leur laissaient reprendre leur première forme. Or, Proœstantius, étant dans

  1. C’est peut-être pour cela que nous assistons en ce moment à une tentative de restauration du paganisme. Oui, il en est ainsi, quelqu’étrange que cela puisse paraitre : nous avons, en cette fin du dix-neuvième siècle, des personnes, et non des moins instruites, qui ont formé des sociétés dont le programme est de rechercher les moyens de remettre en honneur le culte de Jupiter, Vénus et autres faux dieux de l’antiquité. Albert Pike, avant de constituer le nouveau Palladisme (religion nettement luciférienne), hésita beaucoup ; sa première pensée, qui le domina pendant de nombreuses années, fut de faire revivre, par l’initiative de la Maçonnerie, l’ancienne religion des Grecs et des Romains.