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souvent. Il a écrit aussi une pièce, « un drame ésotérique », dont le titre est : les Noces de Sathan (avec un h) ; et là nous trouvons sa pensée personnelle, un aperçu de la doctrine qu’il professe. Ce drame est une tentative du diabolisme aux mille formes qui s’insinue dans certains salons du monde élégant ; en d’autres termes, les occultistes de cette fin-de-siècle ont imaginé de propager leur dogme infernal sous le couvert d’une sorte de renaissance soi-disant artistique, qu’ils s’efforcent de mettre à la mode. Telles ont été, par la peinture et la sculpture, les exhibitions du démoniaque Péladan, dénommées « Salon de la Rose + Croix. » M. Jules Bois, lui, voudrait, par le théâtre, faire pénétrer dans les esprits mondains son satanisme spécial.

Je viens de montrer ce qu’est M. Stanislas de Guaita ; je dois faire connaitre aussi son contradicteur en occultisme. Pour ne pas être accusé de dénaturer les opinions du mage blanc Jules Bois, je citerai quelques lignes fort instructives du compte rendu de sa pièce satanique, inséré dans son propre journal, le Cœur (revue mensuelle, n° d’avril 1893). L’auteur du drame en avait donné lecture au cours d’une conférence faite le 14 mars, à la salle des Capucines. M. Jean Jullien, collaborateur de M. Jules Bois, écrit donc à ce sujet :


« M. Jules Bois est un poète incontestable et un initié convaincu ; il nous a développé, dans une forme élégante et d’une clarté rare, le but du théâtre ésotérique et le plan de sa pièce…

« Nous avons en nous deux âmes. L’une est la partie libre de l’homme en possession de toutes les puissances créatrices qui constituent l’individualité humaine dans sa nature indépendante et dans son libre arbitre. L’autre est le principe supérieur qui constitue la conscience et fait que l’homme peut connaître ce qui est bien et ce qui est mal ; c’est l’intelligence qui l’amène à se dépouiller des principes de sa nature pour monter dans la vie plus élevée des mondes supérieurs. La première est l’âme terrestre ; la seconde est l’esprit en relation avec les forces mystérieuses de l’univers… »


Il est évident que ces adeptes de la magie blanche, qui sentent en eux deux âmes, dont l’une est « un esprit en relation avec des forces mystérieuses », sont tout simplement des possédés ; cela est clair comme le jour. M. Jules Bois me paraît avoir grand besoin d’être soumis au régime des exorcismes.

Je passe une dissertation sur le théâtre grec, et je coupe tout ce qui serait sans intérêt pour mes lecteurs.

M. Jean Jullien nous apprend que le théâtre ésotérique « ne s’accommode pas de simples théories psychiques » ; qu’il n’est pas « non plus l’œuvre des symbolistes de lettres » ; et il en arrive à dire :


« Il (le théâtre ésotérique de M. Jules Bois) n’est pas davantage la résultante de la parole du prêtre, ni la conclusion des morales, ces recueils d’hypocrisie ; il est l’œuvre des initiés au monde de l’esprit, cherchant la beauté immuable dans l’infinie vérité ; il est la représentation de l’évocation… »