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ment et profondément étudiée par des hommes savants et sages, ils comparaient des milliers de mains, et naturellement découvraient par cette comparaison certaines vérités que nous aurions découvertes nous-mêmes en faisant les mêmes expériences. D’abord, ils observèrent, comme tout le monde peut le faire, que la main d’un rustre ne ressemble pas à celle d’un gentilhomme, ni celle d’un ignorant à celle d’un artiste ou d’un savant. La ligne dite ligne de tête ou de cervelle est plus courte en moyenne chez les femmes que chez les hommes ; presque dans tous les cas, certains signes indiquent infailliblement la prédominance de la sensualité, ou des dispositions à la rêverie, au sentimentalisme, à l’occulte. Or l’amour, la sagesse, la force de volonté ou l’inertie ont quelque rapport avec Vénus, Apollon, Jupiter et Saturne, et comme, alors, on croyait sérieusement à l’astrologie, il fut reçu que les signes de la chiromancie seraient distribués entre les sept planètes, et soumis à leur influence. C’était une erreur, mais en somme ce n’était qu’une classification. Les noms de Jupiter, de Saturne, d’Apollon, de Mercure, de Vénus et de Mars ne sont là, proprement, que des synonymes de qualités constituant le caractère de la personne et désignant ses aptitudes, ses passions et ses facultés. Celui qui, sans trace de superstition, voudrait analyser et comparer un grand nombre de mains avec les caractères de ceux à qui elles appartiennent, adopterait en effet le même arrangement. Quand nous nous rappelons le temps où vivaient ces vieux chiromanciens, ils nous apparaissent singulièrement affranchis de toute superstition. Beaucoup d’entre eux auraient regardé avec un mépris suprême un Desbarolles avec sa bonne aventure à 20 francs. L’un d’entre eux, Prætorius, dans son vaste ouvrage sur la chiromancie et la physiognomonie, parlant de l’intrusion des bohémiennes, conclut que leur prétendue science de pronostication de l’avenir n’est que de la farce…

« J’ai plus d’une fois, il est vrai, entendu des bohémiennes me dire de mon passé des choses étonnantes, inexplicables ; et pour les amateurs ordinaires de prodiges, il suffit qu’une chose dépasse la claire intelligence. « Comment expliquez-vous cela ? » vous disent-ils d’un air de triomphe. De fait, ils aimeraient mieux qu’on ne le leur expliquât pas. Ils ne veulent pas être désillusionnés.

« Par le long exercice de leur métier, les bohémiennes ou diseuses de bonne aventure finissent par acquérir une étonnante facilité de lire dans l’âme de celui qui les consulte, à travers ses yeux. Tout dépend du sujet et de la facilité avec laquelle il se livre lui-même.

« Un jour, me promenant près de Bath, je rencontrai un chaudronnier, et lui demandai s’il n’y avait pas de bohémienne dans le voisinage. Il me donna l’adresse d’une femme qui habitait un cottage à peu de distance. Je la trouvai non sans peine, et je fus étonné, en entrant, de l’abominable misère et de la