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plus les entreprises vipérines du sâr Péladan, ni les embûches de son implacable ennemi le rose-croix Stanislas de Guaita, toujours prêt, paraît-il, à tourmenter ceux qui le gênent par les charmes de la plus odieuse sorcellerie.

« Aussi le voyage qu’il fit récemment à Paris émut-il profondément les initiés. On chercha longtemps sans les trouver les causes de ce déplacement. Boullan était descendu, sous un faux nom, à l’hôtel des Missions Catholiques, rue Chaumel. Personne ne put découvrir sa retraite. Il put regagner Lyon sans avoir eu à subir les tortures de l’interview.

« Un hasard me permit à ce moment de le rencontrer chez un ami commun. C’est pourquoi, seul peut-être entre les profanes, je puis aujourd’hui révéler que Boullan n’était pas venu à Paris pour autre chose que pour préparer une très importante publication, intéressante pour tous ceux qui professent le culte du mystère, celle du Zohar[1].

« Au moment où, poursuivant ce but, il allait une seconde fois venir dans la capitale, la mort l’a frappé. Les fervents de la Kabbale font en sa personne une grande perte. Boullan était une âme hautaine et comme on ’en trouve peu, par ces temps de vils compromis. » (Figaro du 7 janvier 1893).

Le public boulevardier qui a lu cet article n’y a, évidemment, pas compris grand chose ; quant aux catholiques, il n’y comprendraient guère non plus ou croiraient à une simple folie, si depuis quelque temps les voiles de l’occultisme ne commençaient à se déchirer. Il faut, en effet, avoir l’initiation dite philosophique, la clef des mystères du satanisme contemporain, ou encore la connaissance du dogme et des pratiques du Palladium, il faut posséder ce fil secret d’Ariane pour se retrouver au milieu du dédale des expressions ambiguës, des termes bizarres ignorés des profanes, accumulés à dessein dans tout ce qui traite, livre ou article de journal, des hommes et des choses de l’occultisme.

Pour démêler la vérité dans tout ce fatras, il est donc nécessaire, indispensable, de savoir ceci :

En dehors du Palladisme, qui est la grande religion luciférienne organisée, il y a une assez nombreuse collection de groupes occultistes, s’occupant de magie blanche ou noire, en perpétuelle rivalité d’influence ; plusieurs sont animés de violentes haines les uns contre les autres. Dans ce monde-là, la personnalité de Lucifer est considérée sous les aspects les plus variés. Pour les uns, il est bien l’archange déchu ; mais il est déjà repentant, Dieu lui pardonnera, et il est désigné pour être un nouveau Messie. D’autres le tiennent pour légal de Dieu adoré par les chrétiens et ne sont pas éloignés de la théorie des palladistes ; mais ce sont des

  1. Le Zohar est un des deux livres fondamentaux de la cabale ou (Kabbale), qui est la doctrine philosophique des juifs hétérodoxes. Zohar signifie « lumière » ; c’est la lumière dont les Pharisiens se servaient pour interpréter la Bible, repoussant l’inspiration de Dieu pour suivre l’inspiration de Satan. Mgr Meurin n’hésite pas à déclarer que le Zohar est un livre essentiellement diabolique. Et c’est ce livre que l’ex-abbé Boullan s’apprêtait à publier en français ! (Dr  Bataille).