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après avoir dit trois fois en jetant le sel dans l’eau : « Sagrapim melanchtebo rostomouk elias phog. » Puis, il faisait sécher l’étoffe devant un feu alimenté par des branches de magnolia. Après quoi, pendant trois semaines, chaque samedi à onze heures du matin, il adressait une invocation à Moloch, pendant laquelle il tenait l’étoffe sur ses deux mains ouvertes et tendues en avant, comme si le daimon invoque eut été présent, visible, et qu’il lui eût présenté l’objet en offrande. Le troisième samedi, à sept heures après le midi, il brûlait l’étoffe à une flamme d’esprit de vin, tout en psalmodiant un chant luciférien de sa composition, et il recueillait les cendres sur une sorte d’assiette en plomb, couverte d’hiéroglyphes gravés à la pointe d’un couteau consacré à Lucifer ; ce jour-là, il avait eu soin de rester à jeun jusqu’à trois heures après le midi, et son unique repas de la journée se composait de poisson, de biscuit et de fruits secs.

Après quoi, le lendemain, il périssait de la cire mêlée aux cendres de l’étoffe de l’ennemi et modelait sa poupée, qu’il appelait une « dagyde. » La dagyde de Gorgas avait trente centimètres de hauteur. Mais Pike ne perçait pas avec des épingles ni ne faisait fondre la dagyde qui représentait son ennemi, il la plaçait sous un globe de cristal, dont le socle était muni d’une petite pompe pneumatique, et il faisait ainsi vide d’air à l’intérieur du globe. La, personne envoûtée éprouvait alors toutes sortes de malaises bizarres, dont elle ne pouvait soupçonner la cause.

Le plus curieux, c’est que les démons, tout en favorisant ces sortilèges, fournissent à leurs adorateurs des moyens de les combattre par d’autres pratiques du même genre.

Le palladiste, qui se sait l’objet d’un envoûtement à la dagyde, se confectionne une poupée à la cire de laquelle il mêle de ses propres cheveux ou de ses rognures d’ongles ; cette figurine qui le représente est consacrée conformément à un cérémonial diabolique, et il lui applique des remèdes empruntés à la magie spéciale d’Albert Pike. Les occultistes de la haute-maçonnerie nomment cela « la méthode de Paracelse renouvelée. »

Dans la Goétie, où le prince de l’enfer est invoqué sous le nom de Satan, on pratique surtout l’envoûtement au crapaud, choisi mâle ou femelle selon le sexe de la personne que l’on veut atteindre. Pour se protéger, on porte sur soi un crapaud dans une boîte de corne ; les satanistes affirment que c’est alors cette malheureuse bête qui subit les tourments destinés à son porteur.

Le mode d’envoûtement que le colonel de Rochas s’est surtout appliqué à étudier est l’envoûtement photographique ; on peut même dire qu’il en est l’inventeur. Il consiste à faire, sur une photographie dont le cliché a été obtenu dans de certaines conditions, les piqûres d’épingle du vieux jeu que la majorité des occultistes font aux poupées de cire. La personne qui à sa photographie ainsi maltraitée, ressent des douleurs dans toutes les parties du corps où son portrait est piqué.