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maléfice ni d’enchantement… Car le Seigneur déteste toutes ces choses, et c’est pour de tels crimes qu’il anéantira ces peuples (les idolâtres) devant toi. » (Deutér., xviii, 9-12.)

L’Église de Jésus-Christ a repris pour son compte les anathèmes de l’Ancien Testament, et a condamné par la voix de ses Papes, de ses évêques, de ses jurisconsultes, par celle de ses Pères et de ses Conciles, tout usage du sortilège, comme étant indubitablement œuvre démoniaque et satanique. La législation civile a de tout temps, sur ce point, concordé avec le droit canonique, et a poursuivi des châtiments les plus sévères, de la mort même, les auteurs de maléfices, — du moins, jusqu’à la Révolution.

Cet accord unanime de la tradition religieuse et des lois civiles n’a pas empêché les esprits forts et les matérialistes de notre siècle de ne voir dans ces phénomènes si manifestement diaboliques qu’une superstition sans fondement, et dans les personnes atteintes de maléfices que des maniaques ou des fous.

Sans doute, comme cela a été établi pour les obsessions et les possessions, il y a aussi des cas de maléfice apparent qui peuvent s’expliquer par des causes naturelles et rentrer dans la manie ou la folie. La terreur qu’inspire à des imaginations faibles l’appréhension de l’ensorcellement, des menaces faites dans un but de supercherie, peuvent engendre des hallucinations, le délire lypémanique. Le docteur Calixte Cavalier, dans son étude médico-psychologique sur la Croyance aux sortilèges, a décrit minutieusement quelques-uns de ces cas, par exemple : celui d’une femme Legrand, accusée d’avoir mis le feu à la maison qu’elle habitait, sous prétexte qu’elle était ensorcelée par les voisins, et qui fut enfermée comme folle ; ou celui d’une Clotilde St… convaincue qu’une sorcière l’a prise depuis sa jeunesse sous sa protection, et qu’elle n’a qu’à l’appeler pour qu’elle vienne à son secours contre ses ennemis. Mais ces cas n’ont rien de commun ans ceux que nous fournit l’histoire et que nous allons exposer ; on ne saurait, sans abjurer toute raison, attribuer ceux-ci à des causes naturelles ou à des dispositions morbides. Toutes les objections et tous les sophismes de nos philosophes ou médecins naturalistes tombent devant les faits, et saint Thomas d’Aquin les a depuis longtemps réfutés quand il a dit :

« Quelques-uns disent que le maléfice n’est que dans l’imagination, et qu’on traite de maléfices des effets très naturels, dont les causes sont occultes. L’Église nous atteste la grande puissance des démons sur les corps et sur l’imagination de l’homme, quand Dieu le permet ; c’est de là que viennent les prodiges des magiciens. Cette opinion que les maléfices sont naturels a pour origine le manque de foi et l’incrédulité ; car les impies croient que les démons n’existent que dans les opinions du vulgaire, qui leur impute ses frayeurs imaginaires. »