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allures scientifiques et en se rattachant aux enseignements des cabalistes[1] ; et tel fut le succès de cet essai de rénovation satanique que Desbarolles pouvait s’écrier : « On rit encore de la phrénologie, de la chiromancie, des sciences occultes ; mais on rit moins déjà parce que le jour se fait, parce que, tôt ou tard, la vérité arrive toujours. »

La grande nouveauté du système de Desbarolles (qui n’en était pas moins un praticien avisé, cherchant, comme il le disait, dans le métier de devin une compensation légère à la rivalité de ses innombrables adeptes élevés tout d’un coup à la hauteur du maître), consistait surtout dans ce retour aux vieilles doctrines chiromanciennes que les chiromanciens vulgaires n’ont pu détruire. « La Kabbale seule, s’écriait-il d’un ton triomphant, m’indiqua le vrai chemin et la base véritable de la chiromancie, c’est-à-dire, le Système des signatures astrales, indiqué dans un chapitre important de mon livre, sous le titre : L’homme en rapport avec les astres. »

La chiromancie, ainsi entendue, devient, proprement, une branche de l’astrologie et mériterait d’être traitée comme telle, si, avec toute la bonne volonté du monde, on pouvait apercevoir le moindre lien logique et nécessaire entre ces deux pseudo-sciences ; la vérité est que cette couleur d’astrologie cabaliste donnée à la chiromancie n’est en réalité, chez Desbarolles et ses disciples, qu’un prestige menteur, un charlatanisme de plus.

Il suffit, pour s’en convaincre, de citer quelques lignes d’un portrait quelconque tracé par Desbarolles dans sa manière astrologico-chiromancienne.

Mais ces lignes seraient absolument inintelligibles, si je ne résumais pas préalablement la doctrine fondamentale de la chiromancie moderne. Voici, en quelques lignes, d’après les deux grands maîtres de l’art, d’Arpentigny et Desbarolles, les points principaux de cette doctrine, et sa genèse.

Le capitaine d’Arpentigny nous raconte lui-même qu’étant très jeune, en province, il était souvent invité aux soirées que donnait le propriétaire d’un château de son voisinage. Grand amateur de mécanique et de sciences exactes, ce dernier recevait de préférence des géomètres, des mécaniciens ; tandis que sa femme, dont les aptitudes et les goûts étaient tout différents, réservait son jour de réception à des artistes. N’étant ni artiste ni savant, M. d’Arpentigny était également invité par les deux époux.

Ce fut, à l’en croire, dans ces soirées qu’il fut frappé des contrastes qu’offraient les physionomies de personnes de caractères si différents.

Chez les invités du mari, les mathématiciens, les géomètres, les indus-

  1. Au dire des occultistes, la Cabale ou Kabbale est l’ensemble des révélations orales communiquées par Dieu (?) à Adam selon les uns, à Abraham selon les autres, et transmises depuis par une chaine non interrompue d’initiés. Cette doctrine est renfermée plus spécialement dans le Zohar, commentaire du Pentateuque, écrit en araméen, la Bible des cabalistes.