Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sérieuse, mais seulement un moyen pour lui d’échapper à ce qu’il appelait les persécutions de l’Église et de continuer ses pratiques sous la sauvegarde du clergé catholique et la haute protection du Pape, sans tenir compte de la promesse sacrée qu’on avait, certainement, exigée de lui, avant son abjuration, de renoncer désormais à toute œuvre diabolique. C’est ce que laisse entrevoir clairement ce passage de ses Mémoires, où il argue de la prétendue tolérance du Pape, contre ceux qui lui rappelaient cet engagement inséparable de sa conversion :

« On a maintes fois dit de moi, par la suite, qu’à cette entrevue avec le Pape, je lui avais promis de ne plus avoir de manifestations ; est-il nécessaire d’ajouter, après ce que j’ai déjà dit, que je ne pouvais faire une telle promesse, et que Sa Sainteté ne me le demanda aucunement ? »

Il va de soi que Sa Sainteté, confiante en la sincérité de sa conversion, n’avait aucun besoin de lui rappeler une promesse qui était la condition sine qua non de son admission au nombre des enfants de l’Église.

Le Pape était si pou dans les dispositions de consentement tacite ou de tolérance que lui prête le magicien, qu’au moment où il quitta Rome pour venir à Paris, dans le dessein apparent « de se perfectionner dans le langage français », il l’adressa, pour sa direction spirituelle, à l’homme le moins capable de laisser fléchir sur ce point les exigences de la foi et de la discipline catholique, le R. P. de Ravignan.

Lorsqu’en juin 1856, il arriva à Paris, le bruit de sa conversion, répandu en France, avait alarmé et scandalisé tout le clan spirite, qui fondait sur lui les plus hautes espérances. Au lieu du brillant magicien qui avait émerveillé l’Amérique, l’Angleterre et l’Italie, il leur arrivait un pauvre néophyte, abandonné de ses facultés surnaturelles, sachant à peine écrire son nom, et, pour comble de scandale, se confessant et communiant. Ce fut un haro général qui trouva son expression la plus virulente, sinon la plus châtiée, dans le Journal Spirite, du fameux médium d’alors, le rival de Du Potet, Cahagnet :

« Notre malheureux Youme est entré dans le giron de l’Église, en déclarant qu’il n’a pu opérer tant de merveilles que conduit par le diable en personne. Il a été frappé, de suite, une médaille en l’honneur de cette victoire, médaille représentant d’un côté l’Immaculée-Conception et de l’autre les esprits infernaux d’Amérique vaincus par ladite Immaculée-Conception. Peu importe à l’Église catholique, elle tient Youme dans son giron et ne le lâchera pas assurément. »

Cependant, l’auteur de cette diatribe grotesque espère bien qu’il en sera autrement, et souffle dans le cœur du malheureux converti le remords de son apostasie et l’ambition satanique de briser ses nouveaux liens par un retour éclatant à l’Église de Satan.

« Le parti catholique, ajoute Cahagnet, sent son infériorité envers cet