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débauchés, entourant l’empereur placé au milieu d’eux, parcouraient ainsi le forum, en proférant les paroles et poussant les éclats de rire qui conviennent à des gens de cette espèce. Nous savons que toutes ces choses paraitront incroyables à la postérité. Mais pour ceux qui survivent encore à ce temps et qui les ont vues, il n’est pas besoin qu’on les rappelle. Oui, il existe des vieillards, et même des jeunes gens qui ont vu ces infamies ; qu’ils me démentent, si j’ai exagéré le récit de ces horreurs… Il n’y a rien d’étonnant que ce malheureux qui s’était abandonné aux démons pour être leur jouet, n’ait pas eu honte de choses dont se glorifiaient les dieux qu’il adorait. Rappellerai-je les nécromancies et les meurtres d’enfants ? Oui, ces sacrifices, que les hommes osèrent offrir avant l’avènement du Christ, et qui avaient cessé depuis, il entreprit de les restaurer, mais non en public ; car, bien qu’il fût empereur, et agissant en tout à sa guise, cependant l’impiété et la férocité de ce crime surpassait encore la grandeur de son pouvoir. Et cependant, ils ont osé le commettre ! »

Un des principaux caractères du satanisme de Julien fut le soin qu’il prit de singer en tout les pratiques du christianisme qu’il avait résolu de tuer avec l’arme du mépris et du ridicule. Souverain pontife de l’hellénisme, il fait comme les apôtres ; il écrit des lettres pastorales aux pontifes subalternes de l’empire : « Il est honteux, écrit-il à un pontife de Galatie, qu’aucun juif ne mendie, et que les impies Galiléens, outre leurs pauvres, nourrissent encore les nôtres, que nous laissons manquer de tout. » Ce n’est pas sans raison que saint Grégoire de Nazianze l’appelle « le singe du christianisme. »

Si Julien put se faire un instant illusion sur le succès de sa tentative de restauration du paganisme, cette erreur ne fut pas de longue durée, et bientôt il s’aperçut de la vanité de cette infernale entreprise. En mainte contrée, le réveil de l’idolâtrie trouvait des résistances invincibles ; le ciel même s’en mêlait, et le Galiléen faisait sentir au champion de Satan la force de son bras.

Gallus avait fait transférer le corps du saint martyr Babylas d’Antioche à Daphné, dans une basilique voisine du temple d’Apollon. Depuis cette translation, l’oracle d’Apollon était muet. Selon Libanius, le voisinage du « mort » incommodait le dieu de la jeunesse et de la poésie. Julien ne pouvait manquer de venir au secours du dieu, et le débarrasser d’un si incommode voisin. Il faut l’entendre lui-même, racontant le triste abandon de ce sanctuaire de Daphné :

« Vers le dixième mois arrive l’ancienne solennité d’Apollon, et la ville (Antioche) devait se rendre à Daphné pour célébrer cette fête. Je quitte le temple de Jupiter Casius, et j’accours, me figurant que j’allais voir toute la pompe dont Antioche est capable. J’avais l’imagination remplie de parfums, de victimes (les habitants d’Antioche appelaient Julien, par dérision, le