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Pergame surtout, où, selon le mot d’Eunape, les autels de Plotin fumaient encore, l’attirait. Là vivaient encore les restes de cette fameuse école d’Alexandrie, d’où étaient sorties la plupart des sectes gnostiques. Le vieil Edésius, dernier disciple de Jamblique le thaumaturge, y tenait école ; autour de lui brillaient à la fois, comme philosophes et magiciens, Eusèbe de Myndo, Priscus, Chrysanthe et Maxime d’Éphèse. On y apprenait une science mystérieuse, dont le dernier terme était de donner à ses adeptes des pouvoirs surhumains.

Dans un de ses ouvrages, Julien raconte que le Soleil, invoqué par lui, lui parla en ces termes :

« — Vous êtes jeune, et n’êtes pas encore initié. Faites-vous donc initier, et purifiez-vous de toutes les souillures de l’impiété (du christianisme) ; par considération pour vos ancêtres (païens), nous voulons purifier votre famille. C’est vous que nous réservions à cette œuvre pour laquelle vous avez été revêtu d’un corps mortel ; en nous obéissant, vous deviendrez vous-même un dieu. »

Dès lors, Julien n’avait plus respiré qu’après cette bienheureuse initiation qui lui donnerait les moyens surnaturels de satisfaire son immense ambition, d’arriver à l’empire et de restaurer dans le monde romain les autels du paganisme sur les ruines de ceux du Christ ; faire disparaître Constance et abolir le règne du Nazaréen, telle fut dès lors son unique pensée.

On devine avec quel enthousiasme il fut accueilli par ces philosophes, qui, eux aussi, ne rêvaient que la restauration du paganisme et l’anéantissement de cette religion nouvelle devant laquelle leurs oracles s’étaient tus et leurs magiques prestiges éclipsés. Partout, sur son passage, Julien ne rencontre que des encouragements, des pronostics favorables à ses desseins.

À Pergame, chacun des mages se le renvoie de main en main, afin d’exciter encore, si possible, son exaltation et son délire. Le vieil Edésius lui dit : « Ah ! si vous aviez jamais le bonheur d’être initié à nos mystères, vous rougiriez d’être homme, vous ne pourriez plus souffrir ce nom. Que je voudrais que Maxime fût ici ! Mais il est à Éphèse. Priscus est en Grèce ; il n’y a ici avec moi qu’Eusèbe et Chrysanthe. »

Maxime avait recueilli directement les traditions de Jamblique ; il était reconnu par les autres initiés comme le maître et le chef des thaumaturges. Dans le temple d’Hécate, on l’avait vu, après avoir brûlé l’encens et murmuré quelque hymne mystérieux, opérer des prodiges : l’image de la déesse avait d’abord souri, puis ri aux éclats ; à son ordre, les torches qu’elle tenait dans ses mains s’étaient enflammées. « Chrysanthe, nous dit Eunape, le véridique historien de ces mystérieux personnages, était, avec Maxime, uniquement occupé à produire des prodiges par l’apparence du souffle divin. » Maxime était bien l’homme qu’il fallait à Julien : « Enfin, s’écria-t-il, j’ai