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Nous devons nous arrêter quelque peu sur cette entreprise extraordinaire, parce que nous y retrouverons déjà ébauchée l’organisation satanique qui fonctionne aujourd’hui sous nos yeux, et que je me suis proposé d’arracher au mystère ténébreux dont elle s’enveloppe et se couvre. Sous d’autres noms, c’est toujours le vieux paganisme, avec ses erreurs et ses infamies, que Satan essaie de ressusciter aujourd’hui, réservant à ses élus suprêmes de se poser sans voiles devant leurs adorations comme le dieu véritable du monde.

Voyons donc ce qu’a été en réalité ce Julien, dont notre siècle a maintes fois essayé la réhabilitation, et que nos magiciens modernes ont inscrit au premier rang des saints de leur calendrier. Ils lui devaient bien cet honneur ; car, en effet, peu de révoltés contre le Christ et son Église ont été aussi évidemment, aussi brutalement les suppôts et les instruments de Satan.

Ses prédécesseurs chrétiens, depuis Constantin, avaient par leurs édits proscrit la magie ; Julien la remit en honneur, en fit la règle unique de sa vie et ne se proposa qu’un seul but : relever les autels et le culte de Satan.

On sait comment Julien, confié par son cousin, l’empereur régnant Constance, à des maîtres chrétiens, élevé même en vue du sacerdoce, conçut dès sa plus tendre jeunesse une violente et profonde aversion contre le christianisme, et consomma son apostasie dans son cœur longtemps avant de la professer en public.

Saint Grégoire de Nazianze, qui le vit de près, puisqu’il fut son condisciple à Athènes, a raconté, dans ses éloquents Discours contre Julien, une anecdote merveilleuse de son enfance ; il avait alors quatorze ou quinze ans, et demeurait avec son frère Gallus au château de Marcellum, en Cappadoce. Les deux frères ayant voulu bâtir en commun une chapelle sur le tombeau de saint Mamas, les travaux de Julien furent arrêtés et détruits par une main invisible, comme si le saint martyr de Cappadoce eût voulu repousser les hommages d’un ennemi caché.

Gallus nommé César, Julien resta seul et alla étudier à Constantinople. Là, il suivit en secret les leçons du rhéteur païen Libanius qui lui étaient interdites, et, comme dit ce dernier dans le pompeux éloge qu’il a fait de son disciple, « trempa ses lèvres aux sources plus pures et plus saines de la vérité, disant adieu aux contes ineptes (l’enseignement chrétien) dont il avait été nourri, et rétablissant dans son âme, comme dans un temple, les images méconnues des dieux. Cependant il dissimulait ses sentiments intimes. Appartenant au fond à ces dieux, nouvellement révélés à sa piété, il semblait toujours esclave des enseignements de son enfance. »

Les sciences occultes piquèrent dès lors fortement sa curiosité. Il sollicita l’autorisation de visiter les écoles d’Orient, dans l’intention surtout de s’y livrer aux recherches de l’art divinatoire, à l’étude de l’astrologie et de la magie.