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tendant la main. Iarchas seul resta sur le siège élevé où il était assis. Ce siège était fait d’airain noir et enrichi d’ornements d’or ; les sièges des autres Sages étaient aussi en airain, mais sans ornements, moins élevés, et placés au-dessous de celui d’Iarchas.

« Dès qu’il vit Apollonius, il le salua en langue grecque, et lui demanda la lettre du roi de l’Inde. Comme Apollonius s’étonnait de la prescience d’Iarchas, celui-ci ajouta : « Il y a dans cette lettre une omission qui a échappé au roi ; il y manque un D ». Et cela se trouva vrai.

« Il lut la lettre, puis dit à Apollonius : « Que pensez-vous de nous ? — Ce que je pense ? ne l’ai-je pas assez fait voir par le voyage que j’ai fait pour vous voir, et qu’aucun de mes concitoyens n’avait entrepris avant moi ? — Et que croyez-vous que nous sachions de plus que vous ? — Je crois que votre science est beaucoup plus étendue et plus divine que la mienne. Mais si je ne trouve pas chez vous à augmenter mes connaissances, j’aurai du moins appris une chose, c’est qu’il ne me reste plus rien à apprendre. — Les autres hommes demandent aux étrangers qui ils sont et pourquoi ils viennent. La première preuve de notre science, c’est que nous savons qui nous arrive. Jugez-en tout d’abord. »

« Et il donna des détails sur la famille du père et de la mère d’Apollonius, sur tout ce qu’il avait fait à Égée, sur la manière dont Damis s’était attaché à lui, sur ce qu’ils avaient enseigné ou appris dans leur voyage : on eût dit qu’il les y avait accompagnés.

« Iarchas avait parlé sans s’interrompre, et sans la moindre obscurité.

« Apollonius demeura stupéfait : « Comment pouvez-vous savoir tout cela ? s’écria-t-il. — C’est, répondit Iarchas, par une science à laquelle vous n’êtes vous-mêmes pas tout à fait étranger, mais que vous ne possédez pas tout entière. — Voudrez-vous bien me l’apprendre tout entière ? — Oui, tout entière. — Vous connaissez donc la nature de mon esprit ? — Nous connaissons toutes les sortes d’esprits, et une foule d’indices nous les révèlent… Mais voici que midi approche, et il convient d’accomplir les cérémonies sacrées. Commençons à remplir nos devoirs envers les dieux ; après cela nous parlerons sur tel sujet que vous voudrez. Vous pouvez assister à tout ce que nous allons faire. — Cortes, je ferais injure au Caucase et à l’Indus, que j’ai franchis pour venir vers vous, si je ne rassasiais mes yeux de toutes vos cérémonies. — Rassasiez-les donc, et suivez-nous. »

« Après s’être baignés dans une fontaine et s’être frotté la tête avec un parfum semblable à de l’ambre, ils se mirent en rond, formèrent un chœur et frappèrent la terre du bout de leur baguette ; et la terre, se gonflant comme les flots de la mer, les enleva en l’air à la hauteur de deux coudées.

« … Après avoir accompli toutes les cérémonies sacrées, les Sages s’assirent sur leurs sièges. Alors Iarchas, s’adressant au jeune homme qui portait l’ancre :