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Du reste, la vie d’Apollonius n’avait pas attendu le quatrième siècle et le livre de Philostrate pour être parfaitement connue du monde païen, au moins dans ses grandes lignes. Comment s’expliquer autrement l’immense renommée dont il jouit de son vivant et longtemps encore après sa mort ? Caracalla, élevant un heroon à sa mémoire ; Alexandre Sévère mettant son buste entre ceux de Jésus-Christ, d’Abraham et d’Orphée ; Titus lui donnant rendez-vous du fond de la Palestine à Argos, en lui écrivant que son père et lui lui devaient tout ; l’empereur Aurélien lui faisant construire un temple, en souvenir de son apparition sur les murs de Tyane et de son entretien posthume avec lui ? « Aurélien, dit l’historien Vopiscus, avait résolu de détruire la ville de Tyane, qui ne dut son salut qu’à un miracle d’Apollonius. Ce grand ami des dieux se présenta subitement à l’empereur au moment où il rentrait dans sa tente, sous l’extérieur qu’on lui connaissait de son vivant, et lui dit en langage pannonien : « Aurélien, si tu veux vaincre, abandonne ces mauvais desseins à l’égard de mes concitoyens… » Aurélien connaissait parfaitement le visage d’Apollonius, dont il avait vu le portrait dans beaucoup de temples. Frappé d’étonnement, il lui promit à l’instant même portrait, statue et temple, et épargna les habitants de Tyane. »

Et Vopiscus ajoute : « Ces renseignements, que j’ai recueillis de la bouche des hommes les plus graves, je les ai relus ensuite dans les livres de la bibliothèque d’Ulpien. » Or, Vopiscus écrivait en 250, c’est-à-dire un siècle avant Philostrate.

Enfin, si Apollonius n’avait été qu’un fourbe ou un héros de roman, les Éphésiens ne lui auraient pas élevé une statue d’or comme à un dieu.

Avant de rappeler quelques-uns de ces prodiges fameux, dont le récit occupe un énorme volume dans Philostrate, remontons à la source, et disons quelques mots de l’initiation.

Apollonius, après s’être imbu des doctrines de Pythagore, de la métempsychose en particulier, s’était fait initier à l’art magique des Mages de Babylone, des Brahmanes de l’Inde et des Gymnosophistes de l’Égypte.

Sur l’initiation de Babylone, nous n’avons que quelques détails insignifiants ; Damis, dans son journal, dit qu’il ignore ce que purent être les entretiens qu’il eut avec les mages : « car, lorsqu’Apollonius, dit Philostrate, allait trouver les mages, il lui défendait de le suivre. » Damis dit seulement qu’Apollonius se rencontrait avec les mages à midi et à minuit, et qu’un jour qu’il demandait : « Que faut-il penser des mages ? » il n’obtint pas d’autre réponse que celle-ci : « Ils savent beaucoup de choses, mais il y en a qu’ils ignorent. »

Chez les Brahmanes de l’Inde, Damis ne fut admis non plus qu’à voir les dehors et la fantasmagorie théâtrale de ce qu’on peut appeler une séance du Grand Conseil de l’Ordre.

« Quand Apollonius parut, dit Philostrate, les Sages l’accueillirent en lui