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avait dans sa maison ; puis, pétrissant un peu de farine de froment, elle plaça l’un et l’autre devant le roi et ses officiers, et ils en mangèrent ; et ayant ainsi repris des forces suffisantes, ils purent retourner d’où ils étaient venus.

« Et le lendemain, la prédiction fut accomplie. »

Il y a peu de faits signalés par la Sainte Écriture, qui aient donné lieu à autant de commentaires, et de commentaires différents, chez les Pères de l’Église et dans les temps modernes. Sans entrer dans le détail des diverses opinions qui ont partagé les commentateurs sur la nature de ce fait, disons que tous sont unanimes à y reconnaître un fait surnaturel ; le débat roule uniquement sur cette double question : Était-ce une apparition divine ou une apparition diabolique ? Le prophète Samuel a-t-il réellement apparu à Saül, ou seulement son ombre et son image ? Sur ces points controversés, nous n’avons qu’à nous en tenir à l’opinion de Bossuet, qui, après avoir mûrement examiné la question, la résout ainsi au livre V, art. 3 de sa Politique tirée de l’Écriture Sainte :

« Il n’était pas au pouvoir d’une enchanteresse d’évoquer une âme sainte, ni au pouvoir du démon, qui a paru, selon quelques-uns, sous la forme de Samuel, de dire si précisément l’avenir. Dieu conduisait cet événement, et voulait nous apprendre que, quand il lui plait, il permet qu’on trouve la vérité par des moyens illicites, pour la juste punition de ceux qui s’en servent… C’est ainsi que Saül trouva dans sa curiosité la sentence de sa mort. »

Bossuet était en cela d’accord avec une autorité encore plus haute que la sienne, celle de l’Ecclésiaste, où il est écrit, XLVI, 23 :

« Après cela, Samuel mourut, et il déclara et fit connaître au roi que la fin de sa vie était proche ; il éleva sa voix du fond de la terre et prophétisa pour détruire l’impiété de la nation, »

La conclusion de M. de Mirville, examinant après tant d’autres ce problème avec sa sagacité et son érudition habituelles, sera la nôtre :

« Que ce grand drame de Saül serve au moins à nous intimider nous-mêmes, et surtout à intimider nos Saüls de club et de salon ; qu’ils sachent que plus d’un nécroman de nos jours fait monter des dieux auxquels il était loin de s’attendre, et qu’à plus d’un il fut prophétisé : « Demain tu seras avec moi. »

La sentence du Deutéronome ne cesse de peser sur les nécromanciens présents ou à venir :

« Qu’il ne soit trouvé entre vous aucun qui consulte les morts ; quiconque le fera sera en malédiction et opprobre auprès du Seigneur son Dieu. »


Cet esprit de Python, que nous venons de voir en exercice dans le récit de la Bible, nous le retrouvons avec les mêmes caractères dans le Nouveau Testament (Actes, ch. XVI), et servant ici encore, malgré lui, par la volonté de Dieu, au triomphe de la vérité.