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« C’est par milliers que l’on pourrait rapprocher de ces moniteurs antiques qui prévinrent Brutus, Cassius, César, Julien, etc., ceux qui, dans les temps modernes, annoncèrent au roi de Naples, cité par Guichardin, sa fin prochaine, ou à Paul Ier, empereur de Russie, le triste sort qui l’attendait[1]. »

Il est de toute évidence qu’un si grand nombre de faits merveilleux, racontés par les témoins ou par des historiens dignes de foi ne sauraient être attribués à l’hallucination naturelle, individuelle ou collective ; mais ce n’est point aux âmes des défunts qu’il faut les attribuer.

Tous les Pères de l’Église ont reconnu la réalité de ces prodiges, et n’ont pas hésité à en dénoncer l’auteur, celui seul qui avait intérêt à les produire, l’ennemi du genre humain, le démon. « Ce sont vos anciens morts, disait saint Clément d’Alexandrie aux païens de son temps, qui sont devenus dieux chez leurs descendants. Mais c’est avec raison que vous les appelez des démons. Comment pourriez-vous les regarder comme des dieux, ces démons impurs, horribles, que tous reconnaissent pour des êtres fangeux, enfoncés par leur propre poids dans la matière et sans cesse errant autour des tombeaux ? Là, ils nous apparaissent comme des spectres dans les ténèbres, comme de vains simulacres, des ombres creuses, d’affreux fantômes. Voilà vos dieux ! »

Saint Augustin, qui connaissait à fond tous les mystères du paganisme, et qui a émis sur ces questions de la magie les idées les plus profondes et les plus sages, dit à son tour :

« On rapporte, de nombre de morts, qu’ils ont apparu en songe ou de toute autre manière à des personnes vivantes, pour leur apprendre où avaient été jetées leurs dépouilles sans sépulture et leur montrer où il fallait les déposer. Si nous traitions ces récits de mensonges, nous paraitrions vraiment impudents de venir contredire les affirmations des fidèles et les témoignages de ceux qui certifient que la chose leur est arrivée. Ces apparitions se font sans que l’âme du mort en soit informée ou en ait conscience, mais par l’opération des anges (angelicis operationibus), Dieu le permettant ou l’ordonnant ainsi, soit pour la consolation des vivants, soit pour recommander aux hommes la piété envers les morts. Mais, à côté de ces apparitions angéliques, il y a les fausses apparitions, celles qui induisent à l’erreur, comme celle de Palinure dans Virgile, où la conclusion à tirer est

    consentir à cette inclination. Le mage fait alors venir Hécate, suivie de Cerbère, puis il force la lune à descendre ; spectacle aux mille formes, aux figures les plus variées, qui nous représente d’abord une femme, ensuite un bœuf magnifique, et enfin un chien de chasse. Enfin, l’hiperboréen, ayant façonné un petit Cupidon avec de la boue : « Pars, lui dit-il, et amène-nous Chrysis ! » Le morceau de boue s’envole ; un instant après, la jeune fille frappe à la porte, entre et se jette au cou de Glaucias. Alors, la lune remonte au ciel, Hécate redescend sous terre, tous les fantômes disparaissent, et nous reconduisons Chrysis chez elle, heureuse et demandant à être fiancée à Glaucias. »

  1. De Mirville, Pneumatologie, tome IV