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Là-dessus, le chapitre auquel il appartenait reçut, un beau jour, un spirite, qui, sitôt admis, prôna les opérations dans lesquelles il était fort expert. La contagion gagna tout le groupe, le F∴ V*** comme les autres.

Seulement, le F∴ V*** évoquait chez lui, en secret, et c’était Abraham qu’il appelait chaque fois ; il voulait l’interroger sur la question dont son cerveau était préoccupé. Mais Abraham ni aucun diable empruntant la forme de l’époux de Sara ne se dérangeaient pour venir mettre fin à ses incertitudes ; si bien que notre rose-croix en devint malade. Il eut la fièvre, le délire ; et quand il guérit, ce ne fut qu’en apparence. Il resta dans un état particulier, maniaque, avec des hallucinations pour ainsi dire chroniques, ou mieux, une hallucination persistante, toujours la même.

La crise avait lieu, quand il se trouvait avec son jeune fils, quelque temps après avoir dîné.

Tout à coup, il s’imaginait être Abraham ; il prenait son fils pour Isaac enfant. Il voyait un ange lui ordonner l’immolation biblique. Le plus étrange, c’est qu’à ce moment il cessait de voir son enfant réel, et il en apercevait un autre plus près de lui, couché sur l’autel du sacrifice. Au commandement de l’ange fictif, il saisissait une épée imaginaire et se précipitait pour égorger l’Isaac de son hallucination. La scène s’arrêtait là ; il retombait sur sa chaise, se passait la main sur le front, ne voyait plus aucun fantôme, et reprenait tranquillement sa conversation avec son fils.

On se demandera peut-être si les deux évocateurs en question étaient vraiment hallucinés et s’ils ne voyaient pas réellement les fantômes inaperçus des personnes présentes.

Je ne le crois pas. Je suis convaincu que le surnaturel n’était pour rien dans leur cas.

En effet, ayant été saisi d’un doute lorsque j’assistai à la crise de mon gentleman, comme à celle du F∴ V***, je fis un signe de croix, et mes deux sujets continuèrent, l’un et l’autre, à avoir leur vision. S’il y avait eu quelque diable par là, il aurait sans doute été obligé de disparaître. C’était donc là de simples hallucinations, ne comportant rien de surnaturel.

Ces exemples montrent, une fois de plus, le danger réel qu’il y a à se livrer à ces pratiques si sagement défendues par l’Église. Si le démon vient, on se damne ; s’il s’obstine à ne pas paraître, on a de grandes chances de devenir fou.


Je terminerai ce chapitre en signalant un procédé fort astucieux employé par les docteurs en magisme. Ils savent très bien que les démons ne daignent pas se déranger toujours. Personnellement, il les voient plus ou moins fréquemment, ils sont en commerce avec eux. Mais ils réservent pour les initiés leurs procédés secrets d’évocation ; et dans leurs livres, ils s’expli-