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d’y croire, le poète offrit de lui faire voir et entendre les choses merveilleuses qu’il avait lui-même vues et entendues. Le lendemain, tous deux étant assis devant le feu, Le Tasse tourna ses regards vers une fenêtre, et les fixa avec tant d’attention qu’il cessa de répondre, et ne semblait même plus entendre les questions qu’on lui faisait. Bientôt il aperçut son génie familier qui venait l’entretenir, et voulut le faire voir à son ami :

« Je tournai tout de suite les yeux du côté qu’il m’indiquait, dit Manso ; mais j’eus beau regarder, je ne vis que les rayons du soleil qui pénétraient par la fenêtre dans la chambre. Pendant que je portais mes regards de tous les côtés et que je ne découvrais rien d’extraordinaire, je m’aperçus que Le Tasse était occupé à la conversation la plus sérieuse et la plus relevée ; car, quoique je ne visse et n’entendisse que lui, la suite de son discours était distribuée comme elle doit l’être entre deux personnes qui s’entretiennent ; il proposait et répondait alternativement. Les matières dont il parlait étaient si relevées, le style en était si sublime et si extraordinaire, que la surprise m’avait, en quelque façon, mis hors de moi-même ; je n’osais ni l’interrompre ni lui demander où était l’esprit qu’il m’avait indiqué et avec lequel il conversait.

« Émerveillé de ce qui se passait sous mes yeux, je restai assez longtemps dans le ravissement, sans doute jusqu’au départ de l’esprit. Le Tasse m’en tira, en se tournant de mon côté, et me disant : « Êtes-vous enfin dégagé de vos doutes ? — Bien loin de là, lui dis-je, ils ne sont que plus forts ; j’ai entendu des choses merveilleuses, mais je n’ai rien vu de ce que vous m’aviez annoncé. » (Vie du Tasse, par Manso.)

— « J’ai vu, dit M. Baillarger (Mémoire déjà cité, page 292), pendant plusieurs années à Charenton, un prêtre halluciné, qui écrivait de longs sermons sous la dictée de saint Michel. J’ai conservé de ce malade plusieurs écrits dictés aussi par saint Michel ; ce sont des lettres, des réclamations dont le style et les pensées sont à peu près partout uniformément les mêmes, et n’offrent rien de remarquable. »


Hallucinations de plusieurs sens à la fois. — Dans un Mémoire sur les hallucinations, du docteur Paterson, se trouve le fait suivant :

« Pendant mon séjour à l’école, dit M. H…, je m’étais lié d’une amitié intime avec un enfant que j’appellerai D… La folle conduite de son père amena la ruine de sa famille, qui tomba dans le dernier degré de misère. Depuis un grand nombre d’années, j’avais perdu de vue cet infortuné qu’on avait embarqué pour s’en débarrasser, lorsque j’appris qu’il était de retour et en proie à une phthisie avancée. Il fut soigné pendant sa maladie par le docteur C… et mourut trois mois après son retour. Je fus demandé pour faire l’examen de son cadavre ; l’on concevra sans peine combien furent