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tions, ils omettent précisément celles-là seules qui expliquent les hallucinations offrant un caractère vraiment surnaturel, l’action des esprits, anges ou démons, lesquelles sont des visions plutôt que des hallucinations.

Loin de moi la pensée d’attribuer indistinctement à ces causes surhumaines tous les phénomènes de l’hallucination : je reconnais volontiers qu’un grand nombre d’hallucinations doivent être attribuées aux causes naturelles que l’observation leur assigne[1] ; que dans bien des cas l’hallucination n’est qu’un désordre, un dérangement organique venant ou d’une lésion de l’organe cérébral ou d’une surexcitation du système nerveux qui trouble l’action régulière et normale des sens ; que dans bien des cas, par conséquent, la médecine pout la combattre avec succès.

Mais il y aura tels cas, entourés de circonstances tellement extraordinaires, de phénomènes tellement en dehors des causes et des forces humaines, que nous dirons au système de l’hallucination naturelle et à la médecine : « Halte-là ! ces faits ne sont plus de votre domaine… Digitus Dei est hic !… vel diaboli ! »

Il suffit de rappeler ici ce que j’ai dit au sujet des possessions individuelles ou des collectives. Qu’ont imaginé les ennemis du surnaturel en face de ces épidémies de possession qui s’étendent sur tout un groupe, une collection d’individus, un couvent tout entier ? Comment récuser les nombreux témoins qui les ont attestées, les procès-verbaux officiels qui les ont relatées dans tous leurs détails ?

Nos pseudo-savants ne sont pas embarrassés pour si peu.

Ils disent : « Hystérie collective ! » avec un sans-gêne parfait. Et si vous leur démontrez qu’il n’y a nullement hystérie, ils mettront les phénomènes surnaturels sur le compte de l’hallucination. Une hallucination collective !… Quelle belle chose, vraiment, que la science matérialiste !

La vérité, sur ce point particulier des hallucinations collectives, a été dite par un savant catholique dont les idées ne sauraient être suspectes de fana-

  1. Michéa résume ainsi les principales causes des hallucinations, qu’il divise en matérielles et psychologiques. Parmi les premières, il faut ranger l’électricité ordinaire ou voltaïque appliquée aux organes des sens, l’abaissement considérable de la température ou son élévation extrême, l’abus des boissons alcooliques, les doses élevées de sulfate de quinine, de digitale, de belladone, de datura stramonium, de jusquiame, d’opium ou de ses composés, de chanvre oriental autrement dit de hachisch, la pression ou l’irritation mécanique sur les organes des sens, l’ébranlement de l’encéphale déterminé par un coup ou par une chute sur la tête, l’abstinence, l’hérédité, les vers intestinaux, la diminution ou l’absence totale de la lumière, etc. — Parmi les causes psychologiques ou morales : la durée trop considérable d’une même sensation, une impression trop vive exercée sur les organes des sens par leurs excitants habituels, l’excès méditatif ou la concentration trop prolongée de la faculté d’attention, l’isolement, le remords, la frayeur à l’occasion d’un danger personnel, l’affliction causée par la perte d’une personne aimée, une ambition extrême, l’humiliation, etc… (Des Hallucinations. Mémoires de l’Académie de Médecine, t. XII, p. 266.)