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leurs femmes, bien entendu ; ils arriveront dans l’après-midi pour faire une partie de canot, ayez donc quelques gâteaux à leur offrir avant le départ pour la promenade. » Puis, passant sa main dans sa chevelure qu’il rejette en arrière, mon maître me dit : « Je me demande quelle farce je pourrais bien leur faire… Oh ! j’ai trouvé, je leur ferai manquer le dernier train, ce sera drôle… »

Le jour venu, tout le monde était là. Le dîner est très gai, on reste longtemps à table ; on avait tant de vieux souvenirs à se raconter ; après le café, les petits verres, les cigares, cela menait déjà loin… La soirée était très belle, mon maître vient me dire : « J’emmène tous mes invités dans l’île, je ferai en sorte de revenir trop tard pour le dernier train ; en tout cas, à 11 heures un quart, vous arrêterez toutes les pendules. »

Vers minuit, tout le monde revient en chantant. Mais en arrivant à la maison, la stupeur est générale quand on s’aperçoit que le dernier train pour Paris est parti. Quelques invités riaient de bon cœur, tout en continuant de chanter, mais certaines dames se lamentaient en récriminant… Enfin, pour apaiser tout le monde, on prend une coupe de champagne, puis on se compte pour savoir combien il faudrait dédoubler de lits. On met des matelas par terre, on s’aide les uns les autres ; même les grincheux font contre fortune bon cœur et la gaîté reprend le dessus. L’installation ne fut pas longue, mais, par contre, fort drôle et très amusante.

Tout ce bruit, avait inquiété Piroli ; elle sortit de son petit salon japonais, où elle habitait avec ses petits, et vint voir ce que ce vacarme signifiait. Mon maître, pour la rassurer, la prit dans ses bras, tout le monde la caressa ; satisfaite, elle poussait des petits miaulements de contentement, car ce fut à qui lui prodiguerait le plus de flatteries.