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puis M. Aurélien Scholl arrive à son tour pour y séjourner quelque temps.


Novembre. — Mon maître s’absente vingt-quatre heures par semaine, du jeudi au vendredi à midi. En dehors de cette fugue, il passe son temps dans son cabinet de travail ou à bord de son yacht… Du cabinet de travail, on aperçoit très bien l’extrémité du mât de Bel-Ami. Il est convenu avec Bernard que lorsqu’il croira au beau temps, il hissera le pavillon dès 9 heures du matin de façon qu’avant 11 heures on sache si oui ou non on sortira l’après-midi.

Plusieurs fois mon maître demande à sa mère d’aller faire une promenade en mer, sur son bateau qui marche maintenant très bien ; mais Madame remercie, disant qu’elle préfère ses courses à pied qui sont salutaires à sa santé. « Ainsi, ajoute-t-elle, tantôt, je vais faire une visite chez Mme King, au château de La Pinède ; puis mon intention est de pousser jusqu’à la pointe du cap. Si tu es dans ces parages, je te verrai ; car à la forme de ses voiles, je reconnaîtrais ton bateau parmi cent. »


Mon maître a donné plusieurs déjeuners aux Altesses de Cannes, et toutes s’accordent à lui dire que les Alpes vues d’ici, sont incomparablement plus belles que de n’importe quel autre point de la côte, ce qui paraît lui faire grand plaisir. Aussi se confond-il en remerciements et politesses de toutes sortes auprès de ces grandes dames, au point que quelquefois je me demandais s’il n’allait pas un peu loin, car pour qui le connaissait bien comme moi, sa finesse laissait paraître une légère pointe d’ironie, qu’il savait, il est vrai, dissimuler sous une phrase aimable et bien tournée.