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déjeuner, je leur portai à manger une bonne pâtée. Mon maître vint assister au repas : « Sont-ils beaux ! s’écriat-il ; quel joli plumage ! Vous leur donnerez toujours plus que le nécessaire, sans quoi ils mangeraient le pain que je donne aux poissons. »

Piroli ne quittait pas son maître, mais à la vue des canards, elle alla se blottir sous les fusains qui entouraient la mare, remuant la queue et roulant de grands yeux, se demandant sans doute ce que pouvait bien être ce genre de bêtes qu’elle n’avait pas encore vues ; du reste, elle se familiarisa très vite et ne tarda pas à vouloir jouer avec les petits canards ; comme à son approche ils se sauvaient, elle devint très brave, fit même quelques tentatives pour les atteindre, mais lorsqu’elle sentit ses pattes se mouiller, elle y renonça. Alors, mon maître lui dit : « J’espère, mademoiselle Piroli, que vous n’allez pas prendre ces petits Barbarie pour de gros oiseaux et leur faire des misères. Ah ! mais non, car je me fâcherais ! »

Puis il la prit dans ses bras, et, en quelques jours, elle comprit que ces petites boules bleues faisaient partie de la maison. Comme nous rentrions nous aperçûmes une grande femme qui venait dans l’allée. « C’est Marie Seize, s’écria-t-il, elle a vu les volets ouverts, elle ne perd pas de temps. » Puis il reprit : « Enfin ! » en poussant un soupir, et Marie Seize eut sa large aumône.

Comme l’année dernière, les poules sont très belles ; le coq est moins imposant que son prédécesseur, mais il se rattrape par son chant. Un jour, mon maître m’appelle : « Ce coq est terrible ; il chante, il a une voix extraordinaire, mais je suis sûr que vous ne savez pas le nombre de fois que chante un bon coq à son réveil. » J’avouai mon ignorance. « Eh bien, me dit-il, à son premier chant, il donne de trente-quatre à trente-cinq séries ; à