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guide, je suis allé jusqu’au bout. Vous dire que c’était sans inconvénient, non ! La marche était difficile et l’odeur insupportable, mais je n’aurais pas voulu qu’on dise que je n’avais pas pu suivre un guide dans une mine de soufre !… »

Piroli, qui ne cessait de se frotter le long des jambes de mon maître reçut de la poussière de soufre dans les yeux, elle se mit à miauler et à courir comme une folle ; ce ne fut pas facile de la reprendre et de la soigner. Mon maître était prêt à jeter la pierre par la fenêtre, tant il était désolé : « Décidément, tout ce qui vient de ce pays nous porte malheur. » Et, prenant Piroli sur ses genoux, il la caressait : « Ma pauvre petite, ma belle petite. »

Lorsqu’il l’eut un peu calmée, il me dit : « François, vous me préparerez mon habit pour ce soir ; je dîne chez Mme X…, je vais ensuite au théâtre ; cette dame veut me présenter à M. Raymond Deslandes. Tout le monde me répète que je devrais me mettre à faire du théâtre, mais cela ne me plaît pas beaucoup et si j’arrivais à en faire, ce ne serait sûrement pas dans la note de ce qui a été fait jusqu’à présent. J’ai horreur de ce genre ficelle. Non ! non ! Cela, je ne consentirai jamais à le faire. Chaque fois que je vais au théâtre, j’en sors horripilé. Si ce n’était pour cette charmante société qu’on y rencontre toujours, je n’y mettrais jamais les pieds. Aujourd’hui j’avoue que j’aurais préféré mon lit à cette soirée, et pourtant je n’ai pas mal dormi de Cannes à Paris. »


Mon maître a repris son travail ; il écrit quelques chroniques pour les journaux, afin de pouvoir ensuite s’occuper tout à fait de son nouveau roman.