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temps, me disait-elle, vous ne me fatiguerez jamais sur ce sujet. »

Après lui avoir longtemps parlé, comme elle le désirait, elle me dit avec une légère émotion dans la voix :

« Oui, mon bon François, vous l’avez presque compris, cet être qui ne se découvre pas, car il faut avoir vécu près de lui comme je l’ai fait pour le saisir… Et vous savez, je n’aime pas seulement votre maître comme littérateur, je l’aime pour lui, comme on dit dans mon pays : for his good heart, for his extreme loyalty, and his great kindness (pour son bon cœur, pour son extrême loyauté, sa si grande bonté…) J’ai là, voyez-vous, sur ma table, entièrement écrite, notre conversation d’avant-hier. Ce cher brave ami est resté avec moi toute l’après-midi, il ne pouvait se décider à partir. C’est que, tous deux, nous nous demandions si ce ne serait pas notre dernier entretien ; car, mon pauvre François, d’ici deux ou trois jours, je vais être opérée d’un kyste, et l’on ne sait jamais ce qui peut résulter. Mais dites bien à mon ami Maupassant que si je reste sous le chloroforme, ma dernière pensée sera pour lui… »

Je rendis compte à mon maître de ma mission, et il en fut très touché.

J’eus longtemps devant les yeux le beau visage de cette dame : elle avait une magnifique chevelure d’or, qui s’harmonisait merveilleusement avec son teint de rose, et que retenait à peine un fichu de dentelle. Elle était vraiment belle !…


Juillet. — Le jeu de boules a un succès fou, mon maître est en excellente santé. Des amis arrivent, on leur donne deux chambres. Heureusement ils dorment jus-