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surmontée d’un chapiteau en ogive, moderne je crois. Un judas s’ouvre, notre guide dit quelques paroles, et l’on nous fait entrer. Nous sommes dans un couvent. On nous conduit à une rotonde qui sert de parloir. Une sœur âgée, pouvant à peine marcher, vient à nous. Mon maître la salue très bas ; elle fait le simulacre de le prendre par la main et pousse une porte devant elle. Tous deux disparaissent.

Combien de temps restèrent-ils absents ? Je ne le sais au juste, cela me parut long. Quand mon maître revint, nous sortîmes immédiatement et, d’un bon pas, nous descendîmes une rue très en pente, au bas de laquelle M. Oscar, notre guide improvisé, prit congé de nous.

Nous allons maintenant le long du delta de la Camargue. Mon maître ne peut se tenir d’exprimer son ravissement : « Ce que j’ai vu dans ce couvent est plus beau, plus artistique, que tout ce que j’ai jamais vu. C’est peut-être plus fort même que la Femme du Titien de Florence. Certes, ce que je viens de contempler dépasse tout, tout. »

Nous passons la matinée du 29 à Tarascon. Nous visitons la crypte de la première église romane, très intéressante, puis le château du roi René.

Dans l’après-midi, sur le cours des Papes à Avignon, nous écoutons un morceau de musique. Il y a là beaucoup de jolies femmes et surtout une jeunesse très fraîche qui forme un bel ensemble et suggère à mon maître quelques gaies réflexions ; mais la musique reprend son jeu, au grand déplaisir de mon maître : « Cette musique, me dit-il, est trop bruyante. Je ne l’aime pas. » Tout en marchant vers le Rhône, je pensais : « C’est sa trop grande sensibilité qui le trompe en ce moment, car dans Fort comme la Mort, il a écrit : « La musique est un