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d’hui méconnaissable aux yeux du plus fin des Marseillais.

Depuis huit jours, tous les matins, je vais avec Monsieur par la rue de Rome au Prado, puis à la Corniche, que nous parcourons d’un bout à l’autre devant cette belle mer qui reste toujours imposante. Souvent nous déjeunons au restaurant de la Réserve et, après, nous faisons une promenade du côté du parc public.

Mais M. de Maupassant paraît las ; le Bel-Ami est prêt à partir pour aller saluer Séville et Tanger conformément aux intentions premières. Mais ce golfe du Lion est terrible ; depuis notre arrivée ici, il ne paraît pas vouloir se calmer et les météorologistes annoncent dans les journaux une période très longue de mauvais temps. Malgré ces fâcheux pronostics, le Bel-Ami sort un jour au large de Marseille ; l’eau se soulève en vagues monstrueuses et menaçantes dans ces parages perfides. Ce que voyant, mon maître donne l’ordre de rallier les côtes de Provence et abandonne, avec un peu de dépit, je crois, celles d’Espagne.

Nous voici donc de retour dans la patrie de Garibaldi ; dans notre grand appartement entouré de plantes odorantes, M. de Maupassant paraît s’ennuyer ; tout ce monde qui fourmille dans les rues de Nice l’obsède. Souvent nous allons déjeuner chez Mme de Maupassant et de là, en suivant la mer, nous gagnons le port où le Bel-Ami est prêt pour la promenade. Quand le temps le permet, on va louvoyer devant Villefranche et l’on donne un coup d’œil à Beaulieu, qui va toujours s’embellissant. Puis, pour varier, nous allons un autre jour jusqu’à la pointe du cap d’Antibes et quand mon maître a admiré une fois de plus les îles de Lérins et, tout au fond, Cannes, qui forme un