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Le 12, au soir, la journée a été tellement accablante que nous avons de la peine à quitter le pont du bateau, où sous la tente nous avons passé une partie de la journée. Raymond a eu le temps de faire sa sieste, aussi est-il tout disposé à bavarder ; et il nous raconte l’histoire du matelot surnommé Patience, parce que jamais il n’avait eu un moment d’impatience.

Aujourd’hui, le 15, nous sommes sortis avec la fraîcheur, profitant des premiers souffles que nous a envoyés le golfe de Fréjus, et nous passons toute la journée au large. Sur cette immensité bleue il fait délicieux, on a suffisamment de vent pour naviguer ; il est 3 heures et demie de l’après-midi ; je sers le thé de mon maître : « Déjà ! me dit-il, je me trouve si bien ici que je ne m’aperçois pas que le temps passe. » Il désire que nous prenions du thé chaud avec lui ; il vante cette boisson hygiénique, cela lui fait plaisir de voir que nous pensons comme lui. Puis, il nous explique que nous nous trouvons en ce moment à peu près à l’emplacement où l’amiral Baudin livra, en 1800, un combat aux Anglais, qui, eux, sont de fameux buveurs de thé.

Il prend la barre et Bernard se permet de dire que je suis en retard pour raconter quelque chose qui les fasse rire. Je demande alors à mon maître s’il me permet de lui servir encore du breton : « Mais certainement, me dit-il, le breton a toujours du caractère. » Bernard et Raymond, qui voulaient que je les fasse rire, restent la bouche ouverte à la fin de mon récit qu’ils traitent de fable. Je leur affirme que c’est arrivé ; alors ils se tordent, et mon maître leur dit : « Les coutumes de ce pays sont étranges, mais il y a toujours quelque chose à en retenir. »

Raymond monte au grand mât pour décrocher un filin qui s’était pris dans un crochet ; Bernard est à tri-