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nard, il me semble que le vent faiblit ? — Oh, Monsieur, par ces journées chaudes, il est rare qu’il se maintienne aussi bien qu’aujourd’hui. — Eh bien, alors, nous n’irons pas à Agay et, quand vous le jugerez à propos, nous naviguerons vers les îles pour rentrer à Cannes vers 5 heures, afin que je puisse faire une promenade pour me dégourdir les jambes avant le dîner. »

À 3 heures, je descendis à la cuisine faire du thé. En remontant sur le pont, je remarquai que le bateau marchait plus vite. Bernard dut prendre la barre pour que mon maître prît son thé, car ainsi qu’il le disait, « on n’aurait pu boire et conduire tant on en avait plein les bras. Voyez, me fit-il remarquer, comme c’est enlevé ! En un quart d’heure, le vent a doublé de force, et nous laissons quand même tout dessus. Je crois que notre marche passe dix nœuds ; c’est superbe pour un bateau de cette longueur. Il est doué de bien des qualités. Du reste, à une pareille allure et tout dehors, il incline à peine. »

Monsieur reprit la barre et on vira vers la haute mer. Il était enchanté du bon vent survenu. Raymond remplaça à la barre le patron qui se mit à marcher sur le pont, tout en me disant : « Vous savez, j’ai remis ma promenade à pied pour après le dîner. Nous sommes à présent trop loin, et puis, vraiment, cela vaut la peine de rester. Voyez comme nous marchons. C’est admirable ! Voilà ce que j’appelle de la navigation ! » Et mon maître déambulait d’un bout à l’autre de son bateau. Il serrait les poings ce qui était chez lui un signe de joie ou d’ennui. Cette fois, c’était bien du plaisir qu’il éprouvait… Il reprit la barre en disant : « C’est à croire que nous filons pour Alger. »

C’était très bien, mais le bateau, cette fois devenu oiseau par sa vitesse, inclinait toujours un peu plus, l’eau