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comment Monsieur pensait interpréter la situation de cette dame dans son roman. Ce que je puis dire, c’est qu’à côté de mille petits détails intéressants de la vie de cette princesse, il y avait un fait qui m’avait frappé : c’est qu’elle avait deux amants qui ne la quittaient jamais et qui, comme deux benjamins aimés et dociles, dormaient dans deux petits lits placés de chaque côté de celui de Son Altesse. Le prince-époux était, paraît-il, un fonctionnaire très haut placé, qui ne venait que rarement en France, tout juste lorsque son service l’exigeait.


Une après-midi, il faisait tellement chaud que je renonçai à toute promenade. Je revins au chalet, porteur d’une caisse de raisin, car ici M. de Maupassant suivait toujours, en même temps que sa série de douches, une cure de raisin blanc. Il m’entend rentrer et m’appelle. Je lui montrai la caisse de fruits qu’il trouva à son goût et qu’il posa sur une table à côté de son lit. Puis il me dit : « Par cette chaleur intolérable, j’ai pensé qu’il ne serait pas prudent de faire une promenade. Aussi me suis-je étendu sur mon lit, et, pour une fois dans votre vie que vous n’avez pas trop de travail, essayez aussi de reposer. Ici, dans ce fond, nous manquons d’air… »

Tout en mangeant du raisin, il se mit à me raconter son Âme étrangère. Mais j’étais tellement accablé par la chaleur, dans cette chambre, que je ne pus me rappeler ce qu’il m’avait dit. Me voyant suffoqué par la température, il m’autorisa à ouvrir la porte du salon et un peu la fenêtre qui regardait le Nord. Cela me ranima un peu ; Monsieur riait tout en grapillonnant son raisin.

Puis il me dit : « Ce que je vais vous raconter maintenant n’est pas du roman, mais du réel. Eh bien ! voilà : M. X… a adjoint à sa femme, chez lui, une jeune