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part de mes doutes à notre maître. Il consulta alors ses cartes et son compas.

La carte plaçait Porto-Fino derrière un petit cap, autrement dit, une pointe. Alors, Monsieur me dit : « François, vous êtes un myope du genre de Mme de Maupassant, qui reconnaissait les côtes la première quand je naviguais avec elle, » À 5 heures, l’ancre fut mouillée dans le petit bassin de Porto-Fino, mais, avant, nous avions essuyé quelques coups de vent descendant des coteaux qui bordent le chenal.

Aussitôt, M. de Maupassant me dit : « Je vais à terre prendre une chambre pour la nuit. » Je trouvai l’idée singulière. Quel besoin d’aller dépenser de l’argent à terre, quand on est si bien à bord ! Le sommeil est si doux dans la petite couchette de la cabine, quand on est bercé un peu par les remous de l’eau !

Porto-Fino est charmant, assis au bord de son petit port naturel, et ayant derrière lui des montagnes couvertes de sapin d’un vert foncé. La belle forme de ces rondeurs vous fait penser de suite à ce que le sculpteur Falguière a omis intentionnellement de mettre en relief à sa Diane, pourtant si parfaite.

Depuis notre arrivée, mon maître va tous les jours fouiller la côte avec son canot, et toujours il rentre émerveillé des choses nouvelles et imprévues qu’il découvre. Le Bel-Ami était, si j’ose dire, comme dans un aquarium, car jamais je n’ai vu autant de petits poissons de toutes couleurs, tournant continuellement autour de nous. Monsieur leur donnait à manger, en souvenir probablement de ses petits poissons rouges d’Étretat auxquels il pensait toujours en les regrettant.

Le cinquième jour, Bernard reçut l’ordre de prendre ses dispositions pour une promenade en mer,